Union Française Maritime - remorquage

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 "IROISE"

 

Les ARMATEURS FRANÇAIS, première Société de la rue de Naples, créa une filiale, en 1922, l' "UNION FRANÇAISE MARITIME", dont le but initial était la liquidation pour le compte de l'Etat, de toutes sortes de navires issus de la Guerre. Si certains étaient impropres à la navigation, tels de nombreux cargos en bois, d'autres au contraire étaient neufs mais sans emploi; des remorqueurs de mer en particulier qui, contrairement aux prévisions, n'avaient pas trouvé d'acquéreurs, sauf un seul vendu à MADAGASCAR.

C'est alors que l'U.F.M., qui avait déjà agrandi ses activités par la gérance du matériel de deux Sociétés de Travaux Maritimes, proposa à la Marine Marchande, d'organiser sur nos côtes, avec quelques-uns de ces remorqueurs invendus, un service d'assistance et de sauvetage.

C'était l'époque où l'opinion publique, en France, s'était émue du naufrage, sur le plateau des ROCHEBONNES du paquebot "Afrique" qui avait fait 580 victimes, sans qu'aucun secours ne put leur être apporté, malgré la proximité de la terre

Les pourparlers aboutirent et le Capitaine RIO, Sous-secrétaire d'État à la Marine Marchande, signa avec l'U.F.M., le 1er novembre 1923, une convention relative à ce service de sauvetage.

La Société s'engageait à en assurer le fonctionnement sur quatre points du littoral, BREST, SAINT-NAZAIRE, ROYAN et MARSEILLE. Les remorqueurs dont elle disposait étaient d'excellents bateaux, tous construits en France, sur le même type, de 40 m de long, 325 tx de jauge et une puissance effective de 1 000 CV.

"Le Puissant" fut affecté à BREST, "L'Orage" à SAINT-NAZAIRE, "Le Vent" qui était déjà loué au Pilotage de la Gironde, fut maintenu dans ce service en étant doté du matériel nécessaire, "L'Obstiné", désarmé à MARSEILLE fut confié en gérance à la COMPAGNIE CHAMBON; enfin "L'Auroch" conservé comme unité de remplacement.

Ces remorqueurs entrèrent bientôt en action, notamment "Le Puissant" en se portant au secours du vapeur italien "Tasmania" qui sombrait dans le Golfe de Gascogne et "L'Orage" en appareillant pour assister le cargo norvégien "Rondo", en détresse.

Mais dès les premières sorties de ces petits bâtiments, à l'activité si efficace, on reconnut que leur puissance de 1 000 CV n'était pas suffisante pour faire face à toutes les missions pouvant leur être confiées. C'est pourquoi l'U.F.M. s'intéressa à un remorqueur de la Marine Impériale russe, de 1550 CV, le "Tchernomore", construit à ODESSA en 1911, qui était en vente, comme tous les bâtiments de la Rotte Wrangel, réfugiés à BIZERTE depuis leur exode de la Mer Noire à la fin de 1920.

Abandonné au fond de l'Arsenal de SIDI-ABDALLAH, le "Tchernomore" n'avait pas bonne mine sous sa couche de rouille, encore superficielle heureusement. Mais ses machines étaient en parfait état, et l'affaire fut conclue.

La Marine Nationale ayant de son côté fait l'acquisition d'un brise-glace russe qui gagna LORIENT pour être transformé en mouilleur de mines - et qui devint le "Pollux" - se chargea de remorquer le "Tchernomore" de BIZERTE à BELLE-ILE d'où "L'Orage" le conduisit à SAINT-NAZAIRE. Il y fut remis en état pourvu du matériel indispensable à ses nouvelles missions et rebaptisé "Iroise" (1924).

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Ses principales caractéristiques étaient: longueur 57 m avec 2 daviers d'étrave, largeur 9,35 m, déplacement 1 100 t. Il avait deux grandes cales à l'avant, et une autre à l'arrière desservie par un treuil de 5 t assurant également la rentrée des remorques. Quatre groupes turbo-pompes d'un débit horaire de 1100 t chacun, soit 4400 t au total, assuraient le service d'épuisement, et 4 autres pompes de 120 t assuraient le service d'incendie.

La drôme comprenait une baleinière deux canots et une embarcation à moteur, provenant de la SOCIÉTÉ CENTRALE DE SAUVETAGE DES NAUFRAGES.

La machine à vapeur à triple expansion, alimentée par trois chaudières cylindriques, permettait une vitesse de route de 13 nœuds, et le rayon d'action n'atteignait pas moins de 6500 milles.

A la passerelle supérieure On était en pleine tempête, sauf aux deux extrémités où se dressaient deux guérites ouvertes, faites comme les abris des locomotives et percées comme elles de deux fenêtres rondes. Sur l' avant, un long pavois de toile brune montait jusqu'au menton des hommes debout.

 

Le "Maître après Dieu" de ce beau navire de sauvetage basé à BREST fût à l'Armement, le Capitaine DOUSSET remplacé peu après par le Capitaine NICOLAS puis par le Capitaine Louis MALBERT qui, durant une décade entière, devait se distinguer par l'étonnante et souvent héroïque série de ses exploits.

Celle-ci commença dès le 3 octobre 1924. L' "Iroise" se porta ce jour-là, dans la tempête, au secours du vapeur italien "Valtellina", chargé de 8 500 t de blé, en difficultés - avec une importante voie d'eau - à 130 milles d'OUESSANT, et le ramena, sans autre avarie à BREST.

Ce furent ensuite, tour à tour, les sauvetages du cargo des CHARGEURS RÉUNIS "Malte", en détresse lui aussi par mauvais temps, du "Dahomey" de la même Compagnie, désemparé devant BELLE-ILE, du grand vapeur hollandais "Bœton", en feu, de l'anglais "Fox" remorqué à BREST après abandon par son équipage au large d'OUESSANT, et le "Vigo" pour lequel nous reproduisons l'essentiel du rapport de mer rédigé le 5 mars 1927 par le Commandant MALBERT.

Le bateau était en alerte permanente; Cela coûtait quatre-vingt-dix mille francs par mois à la Compagnie. Toute l'année, nuit et jour, sans en excepter un seul jour, l' "Iroise" était prêt à prendre la mer, dix minutes après qu'un S. O. S. lui parvenait du large. Pour garder sa pression, il brûlait, à quai, immobile, des tonnes et des tonnes de charbon, dans les foyers de ses trois chaudières, devant lesquelles veillaient toujours trois chauffeurs.

L'équipage ne quittait pas le bord.

Les deux opérateurs de T. S. F., eux, vivaient dans leur poste. La nuit, l'un écoutait, l'autre dormait sur un canapé, à portée de la main de son camarade. Quand cette main l'empoignait et le secouait, il se levait, courait alerter l'équipage et les sous-officiers à l'avant, puis le capitaine et le second dans leurs maisons du quai, à cent mètres du bateau. A tous, il criait les trois lettres d'appel, cet S. O. S. qui était comme la formule magique du bord, y déchaînait une activité précise et rapide. Le bateau s'illuminait, on poussait les feux, le chef radio télégraphiait aux naufragés : « Nous partons. » Ce « nous » signifiait : « Notre treuil qui peut enlever cent vingt tonnes, nos douze pompes capables de noyer votre incendie ou d'affranchir vos cales, nos dix-huit cents chevaux, nos remorques de cinquante mille francs qui vous traîneront jusqu'au quai, nos trente hommes, presque tous médaillés de sauvetage, notre capitaine à qui le président de la République a donné la Légion d'honneur en Sorbonne, à qui les consuls ont apporté des croix danoises, anglaises et italiennes. »

 

Rapport de mer sauvetage "Vigo"

Rapport de mer sauvetage "Hélène" et "Galdames"

Opérations de remorquages

 

Il n'est pas possible de relater ici, toutes les sorties de l' "Iroise", effectuées souvent dans des conditions exceptionnellement dures. Il faudrait un volume et la plume d'un Roger VERCEL, pour décrire les prouesses du Capitaine et des Hommes du célèbre remorqueur. Leurs interventions, même quand elles restèrent impuissantes à arracher sa proie à la mer, furent toujours accomplies avec un sens profond du devoir, un mépris total du danger, et une valeur professionnelle dont la réputation eut vite fait de passer nos frontières. Dès l'appel d'un S.O.S., l' "Iroise" se mettait en chasse, classant ainsi la station d'assistance de BREST parmi les plus actives et les plus efficaces non seulement de France mais du monde entier.

En 1929, la SOCIÉTÉ CENTRALE DE SAUVETAGE DES NAUFRAGES, attribua sa médaille d'or au Capitaine MALBERT, une médaille d'argent à son second et des prix à son équipage; le navire lui même reçut un Diplôme d'Honneur.

L'année suivante, après une nouvelle série de sauvetages remarquables, le ministre de la Marine Marchande récompensait à son tour, solennellement, le Capitaine et l'équipage de l' "Iroise", par l'attribution à chacun de la Médaille de Sauvetage.

Il fallut attendre 1933 et l'apparition de bâtiments beaucoup plus puissants pour que prenne fin cette époque de l' "Iroise" dans l'œuvre du sauvetage.

Cette année là, après avoir participé activement à la conduite de l'épave de l' "Atlantique" à CHERBOURG, il rentrait d'une mission non moins délicate - la conduite d'un croiseur espagnol de CADIX à PASAJES lorsqu'il trouva le vapeur norvégien "Borgfred" échoué près de la Pointe du Raz. Il offrit aussitôt ses services, mais ceux-ci furent déclinés au profit du remorqueur allemand "Seefalke", bien qu'en la circonstance, d'après la loi, priorité dût être réservée au pavillon français.

L'U.F.M. fît bien saisir le "Seefalke", mais la présence à BREST de ce puissant et moderne remorqueur porta à l' "Iroise" un coup d'autant plus décisif qu'il coïncida avec l'établissement de la Compagnie LES ABEILLES à BREST avec son "Abeille 22" de 2 000 CV.

Après accord entre les deux compagnies françaises, l' "Iroise" fût finalement vendu, en février 1935, à la SOCIÉTÉ ALGÉRIENNE DE SAUVETAGE (Zagamé Frères) du port d'ALGER.

Il avait au cours de ces dix années de service, établi une performance exceptionnelle, véritablement unique dans les annales maritimes; plus de cent sorties ou missions difficiles, grâce auxquelles 40 navires furent ramenés au port et avec eux, peut-être, un millier de vie humaines sauvées !..

Que devint l' "Iroise" par la suite?

Ses nouveaux armateurs lui gardèrent bien entendu son nom glorieux et tentèrent même de le laisser en station à BREST. Il y resta encore une année mais, la concurrence étant par trop vive, l' "Iroise" fût dirigé sur ALGER en juin 1936.

Il eut bientôt l'occasion de se porter au secours d'un grand yacht anglais, le "Strever", désemparé de sa machine, et de le ramener sain et sauf au port.

Mais ce devait être là son dernier exploit sous le pavillon tricolore. En octobre 1936, en effet, il était vendu en Grèce et rebaptisé "Irini-Virnicos".

Trois ans plus tard, ses Armateurs le transférèrent sous le pavillon de complaisance de Panama en lui donnant un nouveau nom: "Itrato". Il eût ainsi la chance de survivre à la seconde guerre mondiale, et ce n'est qu'en 1951, âgé de 40 ans et complètement à bout de bord, qu'il fût livré aux pics des démolisseurs... .

Quant au valeureux Capitaine Louis MALBERT, il s'était éteint doucement dans son pays natal, à SAINT-QUAY-PORTRIEUX, deux ans plus tôt, le 25 février 1949.

 

 

Sur un rocher au-dessus de son pays natal, face à la mer, un monument, élevé par les soins de l'U.l.M., rappelle à la fois le souvenir de l'intrépide marin et le nom, qui fût prestigieux, de son navire.

 

Monument situé au pied du grand sémaphore de Saint-Quay.

P.G. - b-66/44

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