Union Industrielle et Maritime

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Lancement du "Jacques d'Anglejan" 

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Le 18 juillet 1959 à 9 h 20, cinquante-deux voyageurs heureux embarquaient à bord du « Caravelle » N° 02. Cet avion, propriété du Secrétariat Général à l'Aviation Civile et armé par AIR FRANCE, avait été affrété par les CHANTIERS ET ATELIERS DE PROVENCE pour transporter les personnalités invitées au lancement du « Jacques d'Anglejan ».

Très rapidement, l'avion décollait; un angle de montée impressionnant, et nous étions vite au-dessus de Nevers, volant à 8.500 m ; au loin les Alpes, le Mont Blanc paraissant un peu moins bas que les autres; la vallée du Rhône, et 1 h 05 après le décollage nous nous posions à Marignane.

Immédiatement conduits à Port-de-Bouc, nous retrouvions M. JEANNENEY, Ministre de l'Industrie et du Commerce, qui présidait la cérémonie.

 

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Le beau ciel provençal, sans un nuage, rendait les cœurs joyeux et l'harmonie locale, pour nous accueillir, mélangeait avec enthousiasme les marches militaires et les vieux airs d'autrefois.

bapteme_anglejan_18-07-1959_r.jpgUne légère brise du Sud rafraîchissait l’atmosphère.

La bénédiction du navire avait été assurée à 10 h 45 par le Chanoine LATIL, curé de St Raphaël et cousin de notre Président; Madame REYRElancement-anglejan_18-07-1959_jmc_04.jpg, dont le mari est Directeur Général de la Banque de Paris et des Pays-Bas et Vice-président de l'Union Navale, d'un coup de hache énergique tranchait alors un mince cordage, une bouteille de Champagne se fracassait sur L’extrême avant et, quelques secondes après, la grande masse du « Jacques d'Anglejan » glissait doucement, puis de plus en plus vite vers son élément.

Minute d'émotion pour tous ceux qui ont connu M. d'ANGLEJAN, très longtemps Vice-président de notre Société... minute d'émotion pour tous ceux qui aiment la mer et qui voient vivre soudainement cette immense masse composée de tôles soudées, jusque-là inerte. L'hélice, qui n'était reliée à rien, puisque le moteur ne sera embarqué qu'en octobre, tournait, entraînée par la marche du navire.

 

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L'opération était terminée... et sous le soleil qui devenait peu à peu accablant, les invités des CHANTIERS DE PROVENCE se rendaient au « Roy René » à Aix où l'eau Sextius, qui fit la renommée d'Aix à l'époque de jules César, rafraîchissait sans danger les nombreux orateurs qui se succédèrent.

 

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A la fin du repas en effet, M. JACQUEMIN, Président des CHANTIERS DE PROVENCE, souligna en quelques mots l'importance que prenait ce lancement tant par la taille du navire, qui est le plus grand construit par les CHANTIERS DE PROVENCE depuis quarante ans, que par l'importance des personnalités présentes.

Regrettant vivement l'absence de notre Président Henri CANGARDEL, retenu à Paris par son état de santé, M. JACQUEMIN fit des vœux très cordiaux pour son rétablissement rapide.

Il remercia M. JEANNENEY d'avoir pu consacrer quelques moments à la cérémonie car la construction navale française entrait dans la concurrence du marché commun et il fallait pouvoir compter sur un programme régulier d'approvisionnement des chantiers qui permette d'en assurer l'avenir. Il adressa également ses remerciements aux hauts fonctionnaires et aux personnalités politiques dont la présence montrait l'intérêt porté à l'importation charbonnière française, « Jacques d'Anglejan » étant le premier navire construit en copropriété avec l'Union Navale.

Puis M. JACQUEMIN leva son verre à l'avenir commun de l'industrie et de la construction navale françaises et souhaita une heureuse carrière au « Jacques d'Anglejan » et à son équipage.

En son absence, le Président Henri CANGARDEL avait adressé un message dans lequel il soulignait les raisons qui avaient motivé le nom de « Jacques d'Anglejan » donné au navire.

Ce message, lu par l'un de ses fils, disait notamment :

« J’ai eu, des mon entrée dans les affaires maritimes en août 1919, Jacques d'ANGLEJAN CHATILLON comme associé; il représentait la COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES dans la Société LES ARMATEURS FRANÇAIS, dont j’étais l'Administrateur Directeur Général.

« C'était à la date du 13 août 1919, il y aura bientôt 40 ans. Témoin de mes premières activités maritimes, Jacques d'ANGLEJAN CHATILLON m'a suivi, dans toute ma carrière d'armateur. C'est ainsi qu'il devint Vice-président de l'UNION INDUSTRIELLE et MARITIME, créée en 1925 à un très faible capital; elle a beaucoup grandi depuis cette date lointaine. Il était : l'ami le plus dévoué et le plus clairvoyant. Je n'ai jamais pris une décision : importante sans l'avoir, au préalable, consulté et sans avoir tenu le plus grand compte de ses avis car son jugement était droit et sa sympathie sans faiblesse.

« Fils d'un Officier Supérieur de l'Armée de Terre, ce descendant d'une grande famille française avait choisi la vie maritime. Il fut admis au concours d'entrée à l'École Navale. Un accident de santé interrompit prématurément une carrière qui aurait été brillante sous l'uniforme d'officier comme elle le fut dans la vie des affaires maritimes et coloniales. Jacques d'ANGLEJAN CHATILLON avait non seulement des qualités éminentes d'intelligence et d'autorité, mais il était guidé par les intuitions d'un bon sens infaillible.

« Cet homme d'affaires arrivé au faîte des hiérarchies sociales, était le meilleur et le plus fidèle des amis. Je conserve des lettres de lui, écrites dans les périodes de crise, et qui sont touchantes de délicatesse et de bonté.

« Il avait le culte de la famille. Il est récompensé de son dévouement aux siens par des fils dont la valeur intellectuelle et morale est digne de leur père.

« Il a laissé à son foyer, prématurément détruit, une veuve, femme éminente, compagne des bons et des mauvais jours et qui vit dans le souvenir du bonheur perdu.

« Tel fut l'homme dont notre bateau portera le nom. Je savais qu'aucun autre patronage ne vaudrait celui de ce grand honnête homme, Français par toutes ses fibres et qui fut un ami incomparable pour ceux qu'il avait acceptés comme tels.

« Notre grand bateau va vivre l'aventure de la mer. Qu'il soit digne du « nom que nous avons choisi pour lui et qui fut celui d'un homme qui aima « profondément la mer et la marine. C'est mon vœu le plus cher ».

Après avoir remercié le Chanoine LATIL, qui avait procédé au baptême, et Madame REYRE, marraine du navire, M. LAPARRA, parlant au nom de l'U.I.M., remercia les ATELIERS ET CHANTIERS DE PROVENCE du soin qu'ils avaient apporté à la construction du « Jacques d'Anglejan » et il déclara notamment :

« Le « Jacques d'Anglejan » fut commandé par l'U.I.M. en Mai 1956, c'est-à-dire à un moment où l'importation massive des charbons américains, qui semblait devoir se prolonger, posait à tous les pays des problèmes dramatiques.

« Il fallait à nos industries des combustibles, à l'A.T.I.C. des bateaux, au Trésor des dollars pour payer l'addition. On demandait tout à l’Amérique : charbon, bateaux, dollars, et l'Amérique fournissait tout : dollars, bateaux, charbon... Mais à quel prix !

« Quand on se remémore l'égarement collectif qui s'empara de tous les milieux d'Importateurs et d'Armateurs à cette époque, on se doit aujourd'hui de féliciter ceux qui échappèrent au vertige et surent garder le sens des réalités permanentes.

« Vous avez été, cher Président PICARD, de ceux-là. Votre connaissance du problème charbonnier à l'échelle internationale, votre prescience, bientôt confirmée - j'allais dire « trop tôt confirmée » - d'une évolution incertaine de nos ressources énergétiques, ont évité au Pays les erreurs si chèrement payées de nos jours par d'autres partenaires de la C.E.C.A. qui n'eurent pas votre prudence. Les Armateurs vous remercient pour leur part.

« Vous restiez néanmoins préoccupé d'assurer à l'A.T.I.C. un minimum d'indépendance dans le transport des charbons d'origines lointaines et vous avez pensé qu'une association encore plus étroite avec l'Armement français vous aiderait à atteindre votre objectif. A vrai dire, cette association existait déjà, sur le plan technique, depuis près de dix ans.

« Des 1948 en effet, l'A.T.I.C. avait noué, avec la Conférence des Pondéreux, des accords qui ont fait date, en ce sens qu'ils ont servi de modèle et que le principe s'en est généralisé au point de constituer aujourd'hui la charte du Tramping Français.

« Cette solidarité qui doit unir notre Marine Marchande et nos grandes industries dans le sens de l'intérêt général - une abstraction dont on abuse parfois mais qui prend ici tout son sens -l'A.T.I.C. en a pris conscience la première, et des cet instant, s'est employée à la développer. En voici les résultats : au cours de ces dix dernières années, près de 30 millions de tonnes de charbon de toutes provenances ont été transportés par le Pavillon français : 150 millions de dollars ont été économisés par le Trésor. Et ce n'est pas fini nous l'espérons bien, quoi qu'on puisse penser de l'avenir du charbon.

« Il était donc naturel que vous vous tourniez vers les Armateurs, ces Amis que vous aviez appris à connaître à travers un cycle de dix années d'étroite coopération qui ne compta pas que des jours heureux, lorsque Vos difficultés s'aggravèrent à la veille de l'Affaire de Suez. Or, c'est très précisément à cette époque, je l'ai dit, que l'U.l.M. venait de commander aux CHANTIERS DE PROVENCE son second gros porteur, celui que nous venons de lancer.

« Elle vous offrit, ainsi qu'à notre Ami commun M. AUBERGER, d'y prendre une participation financière, en vous donnant la garantie que le navire serait utilisé par priorité aux transports de charbon. L'accord fut conclu entre nous sur ces bases. Il portait en germe ce qu'on a pris l'habitude d'appeler, dans un raccourci peut-être excessif, mais qui ne nous choque pas, l'opération « Union Navale ».

« Le Président PICARD dira tout à l'heure ce qu'on doit attendre de cette association sans précédent dans notre histoire maritime, qui réunit, sur la fortune de mer d'une flotte de 175.000 tonnes, les intérêts d'Armateurs, d'utilisateurs et de groupes financiers si souvent opposés dans un passé récent.

« Le « Jacques d'Anglejan », fils aîné de l'UNION NAVALE, prototype d'une série importante, effectuera son premier voyage à la fin de l'année sous les couleurs réunies de l'U.I.M. et de l'UNION NAVALE. Ce sera le début d'une aventure, mais d'une aventure qui fut raisonnée.

« Aussi sombre que nous apparaisse l'avenir immédiat, nous saurons nous garder d'un pessimisme excessif, comme nous avons su nous garder, il y a trois ans, d'un optimisme immodéré.

« Le risque est la grandeur et la servitude de notre métier; l'ayant pris, nous l'acceptons avec pleine confiance.

« Qu'il me soit permis cependant, respectant en cela la solide tradition qui veut que chaque lancement soit l'occasion pour les chantiers et pour les armateurs d'exprimer leurs vœux ou leurs doléances, de faire à mon tour le souhait, Monsieur le Ministre., que les Pouvoirs Publics qui nous ont si fortement encouragé; dans notre initiative, ne cessent pas de s'y intéresser ».

M. PICARD, Président de l'A.T.I.C. et de l'UNION NAVALE copropriétaire du navire, indiqua tout d'abord pourquoi il avait demandé que le navire portât, après le nom de M. d'ANGLEJAN, le sigle U.N.I. Il s'agit en effet du premier navire en copropriété de l'UNION NAVALE, Société créée il y a plus de deux ans par l'A.T.I.C.

Il exposa le problème du charbon, soulignant combien un programme d'importation était nécessaire. Il précisa le rôle que devait jouer ce premier navire qui était le prototype d'une série d'unités devant comprendre en définitive 175.000 Tonnes et pouvant transporter près de DEUX MILLIONS de tonnes de charbon américain par an, étant bien adaptés aux services pour lesquels ils avaient été conçus.

Il exprima le souhait que ces navires ne soient pas des surcroîts de charges, notamment par suite des modifications de parité subies depuis deux ans.

M. JEANNENEY, Ministre de l'Industrie et du Commerce improvisa brillamment une réponse aux différents orateurs. Il indiqua sa joie d'assister à la cérémonie où tout était réuni de manière aussi favorable : réussite du chantier, temps, etc...

Il se félicita de voir associés des intérêts souvent divergents; il remarqua combien un approvisionnement régulier rendait nécessaire la création d'une flotte spécialisée. Si par moment il est nécessaire de réduire le volume des importations, la sagesse oblige à ne pas les interrompre.

Il souligna également combien les heureux résultats de la politique financière du Gouvernement apparaissaient et demanda à chacun de continuer, par son travail, à faire progresser la Nation sur la voie du redressement.

Quelques audacieux tinrent à effectuer une visite d'Aix endormie sous le soleil. La plupart restèrent à évoquer des souvenirs ou à essayer de construire pour l'avenir...

A 19 h 30, « Caravelle » décollait vers Paris emmenant une pleine cargaison d'invités heureux d'une belle journée au soleil, magnifiquement organisée par les Chantiers et où était né un nouveau navire géré par l'U.I.M.

Sources : B. U.I.M. 26/59

Photographies, archives famille Cangardel.

 

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