Relève des équipages

 remonter

Le point de vue du Capitaine d'Armement

Relève des équipages par avion. (1975)

Relèves d'équipage... quel sujet!

Depuis quelques mois, le service de l'Armement effectue régulièrement de fréquentes relèves des équipages par la « voie aérienne » et pour des destinations de plus en plus lointaines. Ces longs voyages à bord de gros avions long-courriers n'étaient qu'exceptionnels il y a deux ans ; il a bien fallu nous adapter au monde moderne, aux nouveaux trafics organisés par « UNITRAMP », de plus il nous faut évidemment respecter les durées des embarquements fixées sur le plan paritaire dans la profession et à notre compagnie.

Les principales entreprises mondiales de transport aérien regroupées dans l'I.A.T.A. ont constaté que la clientèle internationale « marin » n'était pas négligeable et accordent des réductions de 25 % et parfois 40 % : ces « discounts » diminuent sensiblement le prix du billet qui reste cependant très élevé. Il est généralement plus aisé d'organiser un vol lointain en direction d'un autre continent (et cela en 1 ou 2 jours) car les gros avions sont rarement pleins alors que les vols européens très fréquents sont occupés à 100% selon les jours de la semaine ou la période de l'année. L'électronique est en place pour les réservations et facilite grandement les choses puisque l'on doit très souvent modifier le premier projet et prendre plusieurs options de vol.

Une excellente coopération est établie entre l'armement, le secrétariat (Mlle Brunet) et notre agence de voyage pour découvrir dans les nombreux annuaires des compagnies le vol le plus pratique, la correspondance astucieuse, les contacts avec les représentants d'aéroports, etc...

Nos marins apprécient différemment le confort des gros avions :

— Les « Tupolev » de l'Aéroflot, de construction soviétique sont bruyants, peu confortables, l'on y est à l'étroit et la nourriture est mauvaise (peu de caviar et de zakouskis en classe Economique).

— Les nombreux « Boeing », et en particulier le fameux 747, sont beaucoup plus appréciés. L'on y est « au large », l'on peut se détendre dans les coursives latérales et longitudinales, les films sont récents, les repas corrects sont servis par de « délicieuses » hôtesses...

Boeing 747

 

— Il y a aussi les « Douglas », D.C. divers : peu fréquentés sur nos itinéraires.

— Quelques avions long-courriers de construction britannique, qui se font de plus en plus rares.

Les grandes relèves groupées d'équipage « par avion » ont démarré à notre compagnie dès le mois de mai 1974, au début de l'armement du m/s « Roseline » à Shimizu (Japon). Les officiers et marins convoqués au siège social, recevaient leurs billets et effectuaient le trajet de Charles-de-Gaulle à Tokyo-International, soit par la voie sibérienne (aéroflot), soit par le pôle avec escale à Anchorage (Air-France). Les représentants de notre agence locale les accueillaient à l'aéroport où les marins étaient tout c'e suite plongés dans le grouillement de l'Orient. L'une des équipes de relève, après les contrôles et tribulations de l'arrivée, finit par trouver le commis d'agence porteur d'une splendide pancarte indiquant « Penmarch », navire frère de notre « Roseline », mais qui venait de quitter le chantier de construction après sa recette et sa livraison. Ce monsieur n'a jamais voulu admettre qu'il y avait erreur ! La consigne, c'est la consigne ! Le « Roseline » n'est pas le « Penmarch » ! Il a rejoint son agence avec sa pancarte, laissant nos marins se débrouiller eux-mêmes, ce qui n'est pas évident ! Même si les Japonais sont très accueillants, la grande majorité ne prononce pas un mot d'anglais. Il y a très peu d'inscriptions en caractères de « chez nous », mais beaucoup de publicité au néon en symboles japonais, qui ne facilitent pas le contact pour un marin arrivant pour la première fois dans ce pays. De plus, beaucoup de policiers ne sont que des mannequins en plastique. Enfin tout s'est heureusement terminé : train jusqu'à Shizuoka, taxi jusqu'à Miho.

Le 23 juin 1974, le gros de l'équipage a survolé le lac Baïkal, après une escale à Moscou. Accueil à Tokyo bien réussi, ils sont arrivés éreintés et ont eu la joie de se plonger immédiatement dans la « merveilleuse cuisine japonaise ».

Quelques jours plus tard, c'était le tour des « Espagnols » faisant partie de l'équipage de neuvage du m/s « Laurentine ». Ils ont rejoint Séville à bord d'un « Boeing 727 ». Trajet beaucoup plus court, mais l'Andalousie était plongée dans une chaleur lourde, presque tropicale. Nos marins ont dû séjourner quelques jours à l'hôtel avant la prise en charge définitive du navire.

Les mois d'automne et d'hiver 1974 ont provoqué plusieurs relèves d'équipage pour le m/s « Roseline » en affrètement dans les Caraïbes. Mouvements de personnel vers la Nouvelle-Orléans (Louisiane : ce qui est relativement banal), à Corpus-Christi via Houston ou Atlanta (au Sud du fabuleux Texas, plein de coïts et de cow-boys), et surtout à Matanzas-Puerto-Ordaz dans l'Orénoque (l'Eldorado du Venezuela). Ce grand pays avait jusqu'alors été totalement négligé par nos services de l'affrètement. Vol « Avianca » au départ d'Orly jusqu'à Caracas, ensuite petit avion minable de l'Air-Inter local.

Dans cette zone des républiques américaines du centre et du sud de ce continent, des grandes et petites Antilles, de cette région où la flibuste s'est illustrée pendant près de deux siècles, il nous faut citer :

— Une relève en Jamaïque par la « British Airways » en «Viscount», et tout récemment, le chef-mécanicien désigné pour le premier navire U.I.M. de la ligne Nord-Europe/Algérie, a rejoint le navire, encore sous pavillon espagnol, à Panama-Balboa via Santa-Fé de Bogota en Colombie, dans la Cordillière, à 2 600 mètres d'altitude.

Inutile de s'approfondir sur quelques relèves d'urgence qui ont eu lieu à Montréal et Baltimore... cela est devenu du classique.

Qu'en était-il il y a 4 ou 5 ans ?...

Passons maintenant dans l'Est du Méridien — origine de l'Ile de Fer — le m/s « Laurentine » ayant quitté les Grands Lacs américains pour Bandar Abbas en Iran où il est arrivé le 27 décembre après de longs jours de mer, devait séjourner dans ce port pendant près d'un mois : nous avons donc dû organiser deux relèves.

La première a été fixée et organisée le 14 janvier 1975 par un vol Iran-Air (Boeing 707) avec escale d'une nuit à Téhéran et nouvel avion le lendemain matin jusqu'à Bandar Abbas... qui n'est pas « la porte à côté » ! L'Iran, anciennement la Perse, a une superficie de plus de cinq fois celle de la France, et la distance entre la capitale Téhéran, située un peu au Sud de la mer Caspienne et la ville de Bandar Abbas qui commande le détroit d'Ormuz et le golfe Persique (ou Arabique) est sensiblement égale à celle qui sépare Paris de Varsovie...

L'officier responsable de la relève avait reçu des instructions précises et devait se présenter à l'« Information Desk » d'Iran-Air à Orly pour recevoir une lettre d'accueil à remettre au représentant de la compagnie aérienne dès l'arrivée à Téhéran. Il était prévu une nuit « des mille et une nuits » à l'hôtel King (4 étoiles) aux frais d'Iran-Air, trajets de l'aéroport en ville évidemment gratuits... Hélas ! probablement encore un mirage de l'Orient... car il n'en a rien été ! ! ! Nos marins ont dû se débrouiller par les moyens du bord (changer de l'argent, taxis, hôtel de seconde classe, etc...). Nous sommes intervenus vertement auprès d'Iran-Air de Paris pour leur signaler ce total manque de respect des conventions prévues et nous attendons les suites qui seront données à notre réclamation. L'Iran, en pleine évolution économique et technique, a sûrement conservé la nonchalance de l'Orient ! ! !

Nous voudrions préciser malgré tout, que le maximum est fait au siège social, compte tenu surtout des difficultés dues aux changements de destination imprévus ou d'horaires souvent connus au dernier moment, pour faciliter les voyages des navigants, même si le résultat final n'est pas toujours ce que l'on pouvait espérer.

— Rapatriement récent d'un marin hospitalisé à Port-Elisabeth en Union Sud-Africaine au voyage de retour sur l'Europe du m/s « Laurentine ».

Pour terminer on peut ajouter que l'on peut classer les marins en trois catégories, lorsqu'il s'agit de relèves par avion.

Il y a les « irréductibles » dans l'un ou l'autre sens...

Les premiers ne veulent surtout pas entendre parler de monter dans un avion : ils sont de moins en moins nombreux à mesure que les années passent... l'on évolue !

— Les seconds admettent difficilement de rejoindre leur navire sans prendre l'avion lorsque c'est complet, soit de Quimper — de Brest — de Pleurtuit... — Certains ont imaginé de passer par Londres pour rejoindre Amsterdam au départ de Dinard ! ! ! — L'on peut d'ailleurs trouver tout un lot de variantes pour rallier le port de désignation, mais il ne faut pas s'acharner, ni abuser, et l'avion étant généralement plus cher que les autres moyens de transport ne doit être utilisé que s'il présente un intérêt certain et de toute façon en accord avec le service de l'armement et selon les instructions permanentes de la compagnie.

— Les troisièmes qui effectuent un voyage mixte, mi-fer, mi-air pour gagner du temps et, en particulier éviter une nuit de train parfois pénible, etc... etc...

 

Jacques LE FLOCH.

 

N.-B. — Nous conseillons à nos lecteurs de se rapporter à une mappemonde ou un grand atlas pour bien situer tous ces noms géographiques. Beaucoup sont connus de nos marins. Les sédentaires peuvent interroger les cartes mondiales qui décorent les coursives du siège social...

 

b/uim-76 - avril 1975

Photos - coll. UIM

© UIM.marine - Site mis à jour le 30/10/2010   retour index principal

Si vous possédez des informations ou des documents ou photographies inédites concernant ce navire ou ce dossier

et que vous acceptiez  de les partager en les publiant sur ce site, merci de prendre contact. uim.marine[at]free.fr

Venez partager vos connaissances sur cette compagnie ou vos souvenirs de navigants sur le forum UIM.