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Escale à Bandar-Abbas (1974) Du rapport de mer du commandant Jacques Heudier, nous extrayons les passages suivants qui montrent que les escales ne comportent pas toujours les quelques heures de détente que l'on pourrait espérer : « Laurentine » parti de Ijmuiden, le 22 octobre 1974, pour un aller-retour sur les Grands Lacs, s'est vu, à Chicago, signifier une nouvelle destination : Bandar Abbas, dans le golfe Persique, à l'entrée du détroit d'Ormuz. Nous avons appareillé de Québec le 23 novembre à 15.54. Chargé de 24 084 M/5. Nous avons tourné avec la machine 135 t/mn jusqu'au 26 pour une vitesse moyenne de 14,5 nœuds puis nous avons augmenté jusqu'à 142 t/mn pour arriver à l'aube, donnant une vitesse de 15,5 nœuds, la consommation passant de 86 à 92 kilos/mille. Le temps a été très beau avec un peu de houle jusqu'au 26, vent variable dominant du secteur NE ne dépassant pas la force 3. La moyenne générale s'établit à 15,12 nœuds. Le mazoutage à Saint-Vincent du Cap-Vert est assez lent, 14.00 heures, notre tirant d'eau ne nous permettant pas de mazouter à quai. Heureusement un seul navire était en opération, trois arrivèrent peu de temps après nous. Nous avons maintenu le même nombre de tours machine et jusqu'à Captown le temps a été beau avec courant contraire, toutefois à signaler une grosse houle debout et des vents de SE à SW les 10 au 13 décembre qui firent chuter notre vitesse à 13,5 nœuds le 12. La moyenne s'établissant depuis le Cap Vert à 14,64 nœuds. La procédure de prise de courrier est correcte. J'ai lu dans la presse locale que l'administration des chemins de fer Sud-Africain qui gère les ports, dénonce cette pratique qui se passe en dehors des limites du port et voudrait voir les navires entrer dans ces limites pour pouvoir les taxer. Une législation est à l'étude qui tuera probablement ce service. Il est possible de se faire livrer des vivres sur palettes par bateau ou par hélicoptère. Le courant total moyen peut être estimé à 0.75 nœuds. Maintenant toujours la même allure, nous avons dû lutter contre le courant des Aiguilles, choisissant la route côtière (3' de terre) jusqu'au cap Morgan, puis le large : route sur les Comores pour minimiser le courant du canal de Mozambique. Le temps a toujours été très beau, la route choisie plus longue de 42' que la route directe nous a permis une vitesse moyenne de 14,61 nœuds pour une consommation de 94 kilos/mille. La vitesse moyenne totale du voyage depuis Québec est de 14,75 nœuds à 142 t/m ce qui devrait donner 15,5 nœuds en eau morte sur un tirant d'eau de 34 pieds eau douce.
BANDAR ABBAS Les cartes françaises et anglaises n'étant pas d'accord sur les fonds et les sondes, j'ai mouillé le 27 décembre à 23.06 locale à l'extérieur des bancs. Quand le navire a été admis en libre pratique, lundi 30 décembre 12.00, j'ai été au port voir les autorités et les pilotes. (Le capitaine de port iranien est C L C, cours à Paimpol). Après discussion et exploration en baleinière, je suis venu mouiller à l'intérieur des bancs le 3/01. J'ai changé de mouillage le 11 janvier, mon mouillage précédent excellent et recommandé par les I.N. devenant interdit et réservé aux navires de guerre. Le port est entièrement militaire. Il dispose de six postes à quai, mais le poste n° 6 est toujours occupé par un dock flottant militaire. Les navires de guerre ont toujours priorité (la frégate française Tourville en démonstration, a passé les fêtes de fin d'année à quai au poste 5), les marchandises stratégiques aussi, ainsi que les navires Arya line. Le port de plus n'autorise que deux navires de grains à la fois, les autres postes étant répartis 2 pour des diversiers, 1 pour le sucre ou le ciment en sac. Notre agent est aussi le stevedore. M. Aram Karamian, arménien ayant fait ses études à Paris. Le port était intéressé à nous voir rentrer pour remonter ses statistiques. Mais on réclamait de l'orge et ne savait que faire du maïs : plus de 100000 tonnes de maïs étant stocké en vrac et en plein air dans les terrains vagues attendant la mise en sac et le départ vers l'intérieur du pays. Dans ces conditions, chacun reportait sur l'autre la responsabilité de notre entrée. L'ordre nous fut quand même donné pour le dimanche 12 à 14.00, pour rentrer de jour et à pleine mer ; nous sommes rentrés de nuit le lundi à 02.00 ne sachant pas trop l'état de la marée très fantaisiste à Bandar Abbas. Nous avons accosté sans évitage bâbord à quai poste n° 5 avec l'aide de deux remorqueurs obligatoires aussi neufs qu'inefficaces. Le stevedore méfiant nous avait demandé de ne gréer qu'un crapaud en cale une, pour voir. Il avait l'intention de décharger aux « canvas slings » comme de coutume dans ces pays. Après démonstration, le stevedore a demandé les quatre crapauds. Il y eut des mouvements divers parmi les dockers qui ont vu fondre les effectifs de leurs équipes et surtout de la part des chauffeurs de camions qui avaient peur pour leur « mercedes » toutes du dernier modèle. Le châtiment corporel, entendez les coups de poing du patron à ses employés, étant encore en vigueur et à l'honneur dans ce pays ces divers mouvements furent vite réglés. Il n'était pas question de fournir les grutiers en travaillant 24/24 tout en surveillant les amarres, la coupée (les quais sont hauts et la coupée sur le pont principal devait être rentrée et sortie au gré des marées type semi-diurne à inégalité diurne moyenne c'est-à-dire anarchiques) tant que le navire n'est pas assez déchargé, les quelque 100 Iraniens qui campaient à bord sur l'avant dans un petit magasin affecté à cet usage pour éviter l'envahissement des aménagements arrière. Nous avons travaillé sur les 7 cales à la fois, en freinant sur l'orge pour ne pas courir le risque de se faire renvoyer sur rade avec le reste de maïs. La séparation a été un problème (voir photos jointes). Nous avons degrée le crapaud pour travailler aux canvas slings en toute sécurité. Devant la lenteur relative du système, le stevedore a pris la décision de retravailler au crapaud prenant la responsabilité du risque de mélange qui a été minime, et n'est mentionné nulle part. Nous avons chargé un petit caboteur de 500 tonnes en 03.00 heures à destination de Bandar Shapur en maïs de la cale 3, tout le reste de notre chargement est parti sur camion dans les terrains vagues rejoindre ceux des précédents navires. De plus, après plus d'un mois de mer et un séjour sur rade foraine à 20 mn d'appareillage, la machine nécessite l'intervention des marins nettoyeurs pendant au moins deux jours. Dans ces conditions, sans parler de la relève d'équipage, il est impossible d'assurer la conduite des grues et la charte partie ne parle pas de limitation d'emploi des grues. Mais une décision unilatérale demandant le travail 24/24 coupa court à toute discussion et nous avons continué sans changement ; il est possible d'obtenir un arrêt systématique tous ies matins pour entretien et inspection du matériel (cartahu, martinet, crapaud, câble électrique, prise et fils d'acier antigiratoire, poulie), entre 4.00 et 8.00 heures sans que le rendement n'en souffre sensiblement. Une avarie sur la grue quatre a été réparée en 7.30 dans des conditions acrobatiques et grâce au petit gabarit de l'équipe d'intervention car ce travail fait d'après le guide d'entretien nécessitait la sortie des tambours avec appareillage spécial et un délai de plusieurs jours (quatre au mieux). Nous avons terminé le déchargement sans avarie grave nécessitant un constat et avons appareillé le lendemain au jour pour éviter le navire, le mardi 21 janvier à 06.12.
b/uim-76 - avril 1975
Révision 2010-10-24
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