Les armateurs Français

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Type "Marie-Louise" 3 100 Tx

Marie Louise à  Kiel - collection Yannick CheronnetLes "Marie-Louise", importante série de navires construite sur commande de l'état, dans les arsenaux, d'après son prototype le "Marie-Louise" construit en 1913 pour la Compagnie auxiliaire de Navigation,  étaient de bons navires d'un port en lourd de 3 100 tonnes. Ils avaient à l'origine un très gros défaut de stabilité, qui fut ensuite corrigé, après les études effectuées par les commissions des ingénieurs Doyère et Laubeuf, mais qui avait été la cause de plusieurs accidents graves.

"Ces charbonniers à ballasts latéraux connurent des débuts plutôt catastrophiques, du moins sous pavillon français ! Tout avait commencé en 1912-14 par la livraison par les Ateliers et Chantiers de Bretagne, à Nantes, de cinq cargos de 3100 tpl - les "Berthe", "Constance", "Isabelle", "Henriette" et "Marie Louise" - à la Compagnie Auxiliaire de Navigation. Ces navires furent tous perdus par attaques sous-marines durant la première guerre mondiale, mais lors de la reconstruction de la flotte française, leurs plans furent utilisés pour un programme qui devait comprendre 32 exemplaires, mais, seulement une vingtaine de navires neufs furent construits à l'initiative du gouvernement, qui en restait propriétaire. Ils portaient les noms de députés, préfets ou marins tués à l'ennemi. "Député Abel Ferry", "Député Albert Taillandier", "Député Charles Nortier", "Député Emile Driant", "Député Gaston Dumesnil", "Député Georges Chaigne", "Député Henri Durre", "Député Josselin de Rohan", "Député Maire André Thomé", "Député Maurice Bernard", "Député Paul Proust", "Député Pierre Goujon", "Député Raoul Briquet", "Député René Reille Soult", "Capitaine Commelin", "Capitaine llliaquer", "Capitaine Winckler", "Commandant Rabot", "Matelot Huguen", "Mousse Le Moyec", "Préfet Alfred Roth", "Préfet Collignon", etc.

"Confiés en gérance à un groupement d'une dizaine de compagnies de navigation - la société les Armateurs Français qui à précédé l'Union Industrielle et Maritime en eut une bonne douzaine pour sa part - ces charbonniers type "Marie Louise" avaient été construits par les arsenaux de Brest, Lorient Cherbourg et Rochefort. et par les chantiers Navals de Caen, les chantiers Dubigeon à Nantes et Dyle et Bacalan à Bordeaux. Fin 1921- début 1922, trois navires de cette série firent naufrage à quelques mois d'intervalle - Coup sur coup, vont par le fond de fin 1921 à début 1922 ; "Raoul Briquet", "Député Dumesnil", "Albert Taillandier". Sans parler de nombreux incidents sans conséquences graves sur plusieurs autres navires - suscitant des interrogations bien légitimes sur un éventuel défaut de conception. On leur reprochait leur défaut de stabilité dans leurs ballasts latéraux. Le "problème de stabilité des Marie Louise" provenait peut-être de la conjonction de plusieurs facteurs, dont l'inégalité de volume des soutes à charbon bâbord et tribord, qui avait tendance à provoquer une gîte quasi-permanente, amplifiée par la consommation du ballast machine (lui aussi dissymétrique).

"Par mauvais temps, cette gîte combinée au roulis conduisait à immerger les vannes de vidange à la coque des ballasts latéraux sur un bord. En cas de défaut d'étanchéité des vannes, ces ballasts se remplissaient, augmentant ainsi la gîte, ce qui pouvait conduire au naufrage. En revanche, bien qu'ils aient été incriminés, il est difficile de dire en quoi les ballasts latéraux en eux-mêmes étaient dangereux. Pour preuve, la quasi-totalité des "transports de pondéreux" ont été équipés de ces ballasts partout dans le monde - on les rencontre d'ailleurs sur tous les grands vraquiers modernes - dans les années 20*."

Par la suite, grâce a des modifications et des transformations, les "Marie Louise" poursuivirent des carrières honorables et même pour certains, exceptionnelle.

Après trente cinq années de service, quelques uns naviguaient encore sous pavillon grec ou finlandais et même français, comme le "Cap Tariffa", ex "Député Maurice Bernard". Ce dernier, sous pavillon tricolore, est arrivé à Nouméa par la Compagnie Le Nickel pour le transport de minerai de nickel des différents ports de la Nouvelle Calédonie aux hauts fourneaux de Nouméa. Devenu "Amazona" en 1956 il fut démoli à Hong Kong en janvier 1959.

A l'époque où ces navires naviguaient l'économie était de rigueur à bord. La dynamo était stoppée passé 21 h, et l'on s'éclairait à l'huile. Sur cette série, un premier chauffeur faisait le quart du chef mécanicien.

Révision 2012-06-16

Maquette montrant la construction d'un cargo charbonnier aux chantiers Dubigeon, Nantes, 1920.

© Rémi Kaupp, CC-BY-SA-2.5, Wikimedia Commons

Caractéristiques des

type MARIE-LOUISE

Port en Lourd 3 100 TDW

Jauge Brute 2 038,33 tx

Jauge Nette 1 184,39 tx

Capacité cubique 3 521,00 m3

Longueur HT 82,38 m

Longueur PP 81,30 m

Largeur HM 12,05 m

Creux 5,98 m

Creux sur quille 7,03 m

Tirant d'eau en charge (été) 6,03 m

Manutention

Quatre cales avec panneaux d'écoutilles dont le plus grand mesure 9,44 m x 6,40 m; L'ensemble est desservi par quatre mats de charge de 4 tonnes.

Exploitation

Produits métallurgiques de Caen vers l'Angleterre et charbon en retour sur les ports français, Mer du Nord, Manche, Golfe de Gascogne, côtes anglaises.

Propulsion

Vapeur, chauffe au charbon, 2 chaudières cylindriques timbrées à 13,0 kg.

Machine à vapeur alternative, triple expansion ou turbine BREGUET, de 1200 CV.

Consommation de charbon de 16 tonnes/jour.

Vitesse de route

9,5 à 10,0 nœuds.

 

Plan d'ensemble sur Navires & Marine Marchande n° 17, p. 41.

 

1919,

Lancement d'un cargo.

Le premier des cinq cargos dont la construction a été confiée à Lorient a été lancé à la marée de mercredi. Mis sur cale le 14 avril dernier, ce navire qui est désigné sur les initiales C A 6 sera complètement achevé dans un délai de six mois. Le C A 6 mesure 81 mètres de long, 12 mètres de largeur et a un déplacement de 4.500 tonneaux. Le lancement des autres cargos se fera à quatre mois d'intervalle. (Ouest-Eclair, N, 1919-08-28).

 

Le cargo du type "Marie-Louise".

Le 27 août a été lancé avec succès à Lorient un cargo du type "Marie-Louise", le premier d'une série de treize navires de commerce qui doivent être entièrement construite par les arsenaux de la marine et les ateliers de l'Etat.

Un second navire du même type va prendre immédiatement sur cale la place de celui qui vient d'être lancé.

Les caractéristiques du "Marie-Louise" sont les suivantes : déplacement, 5.000 tonnes ; jauge brute totale, 2.330 tonnes ; longueur, 86 mètres ; creux, 7 mètres ; puissance, 1.100 chevaux ; deux chaudières cylindriques.

Le prochain navire de série sera lancé à Brest dans environ six semaines. (Ouest-Eclair, C, 1919-09-01).

 

1921,

Lancement d'un cargo à Lorient.

Lorient, 21 janvier. Le port de Lorient a procédé au lancement du cargo n° 4, type "Député Emile Driant", série des "Marie-Louise". l'opération a pleinement réussi. (Ouest-Eclair, C, 1921-01-07).

Lancement d'un cargo.

Lorient, 3 septembre. Les chantiers de construction du port de Lorient ont lancé avec un plein succès le cargo C.A.12 du type "Marie-Louise", C'est le cinquième de ce genre construit par notre arsenal. (Ouest-Eclair, 1920-09-06).

 

Paris, 23 décembre. La construction des "Marie-Louise".

Le sous secrétariat de la marine marchande nous communique la note ci-dessous :

"Contrairement à une information parue dans divers journaux les pertes des deux cargos type "Marie-Louise" ne peuvent être en aucune façon, et pour aucun motif, imputables à des défauts de construction de ces navires. Ces cargos sont la reproduction d'un navire qui est en service depuis neuf ans et la construction très soignée a reçu la cote des premières sociétés de classification. Les expériences de stabilité ont en outre montré que la stabilité de ces bâtiments était excellente.

Contrairement à la même information, le rapport du capitaine ne met nullement en cause la construction du navire. Rien ne peut donc justifier l'information parue. (Ouest-Eclair, C, 1921-12-25).

 

1922,

Mai, Après le naufrage du "Député Albert Taillandier".

M. Louis Brindeau, rapporteur général de la Commission sénatoriale de la Marine, vient d'adresser à M. Rio une lettre lui demandant d'ordonner une enquête approfondie sur les causes qui ont amené la perte du vapeur "Député Albert Taillandier".

Paris, 29 avril. A la suite de la perte du vapeur  "Député Albert Taillandier", le sous secrétaire d'Etat de la Marine marchande vient de décider la nomination d'une commission chargée de rechercher les causes de l'accident.

Il vient de décider également de ne plus faire naviguer les navires du même type appartenant à l'Etat jusqu'à ce qu'il soit saisi des conclusions de la Commission. Celle-ci sera composée d'un capitaine de la marine marchande, d'un représentant d'une société de classification et de deux ingénieurs. (Ouest-Eclair, 1922-05-01)

 

Le Ministre a donné l'ordre d'arrêter et de désarmer immédiatement dès leur arrivée dans un port de France, en attendant les résultats de l'enquête entreprise, tous les navires du type Marie-Louise, actuellement propriété de l'Etat, en gérance ou en exploitation directe. (Ouest-Eclair, C, 1922-05-05).

 

1923, Lancement.

Cherbourg, 17 mars. Le cargo C.A.0. du type "Marie-Louise", construit à l'arsenal de Cherbourg, sera mis à l'eau le 24 mars prochain, à la marée du matin. (Ouest-Eclair, C, 1923-03-18).

 

 

C. A. 3. "Député Charles Nortier", Brest. 1920.

C. A. 4. "Député Georges Chaigne", Brest. 1920.

C. A. 5. "Député André Thomé", Brest. 1921.

 

Y. N. 2. "Député René Reille Soult", Caen. 1920. (1er)

Y. N. 3. "Député Gaston Dumesnil", Caen. 1921.

Y. N. 4. "Député Abel Ferry", Caen. 1921.

Y. N. 5. "Député Henri Durre", Caen. 1921.

Y. N. 6. "Député Albert Taillandier", Caen. 1922.

 

C. A. ?. "Député Pierre Goujon", Cherbourg. 1920. (premier construit dans les arsenaux).

C. A. 10. "Commandant Rabot", Cherbourg. 1921.

C. A. ?. "Député Paul Proust", Cherbourg. 1921.

C. A. ?. "Matelot Huguen", Cherbourg. 1922.

 

(14 janvier 1921, C. A. 4). (3 septembre 1921, C.A.12, 5eme de la série).

C. A. ?. "Député Emile Driant", Lorient. 1920.

C. A. 6. "Député Josselin de Rohan", Lorient. 1921.

C. A. ?. "Député Maurice Bernard", Lorient. 1921.

C. A. ?. "Préfet Alfred Roth", Lorient. 1921.

C. A. ?. "Mousse Le Moyec", Lorient. 1922.

 

Y. N. 529. "Capitaine llliaquer", Nantes. 1921.

Y. N. 530. "Capitaine Winckler", Nantes. 1922.

 

C. A. ?.   "Député Raoul Briquet", Rochefort. 1920.

C. A. 13. "Préfet Collignon", Rochefort.1922.

 

Y. N. 10. "Capitaine Commelin", Bordeaux. 1922.

 

1923,

AU SUJET DES "MARIE-LOUISE" par André MARTY

 

Lorsqu'une locomotive déraille, le mécanicien et le chauffeur; s'ils sont encore vivants, sont envoyés en correctionnelle ou en cour d'assises.

Voici quatre cargos du type Marie-Louise qui chavirent et un cinquième qui vient d'échapper à ce sort en s'échouant. Non seulement les ingénieurs de la marine, constructeurs de ces bateaux, ne sont pas poursuivis, mais le ministre Rio, qui navigue dans les couloirs du Palais-Bourbon, ne fait rien pour protéger la vie des marins.

Ces bateaux ne portent en effet que des marchandises, en général du charbon, et, dès lors, seules des vies de matelots sont en danger. On peut ainsi maintenir en service à bon compte ces navires jusqu'à l'amortissement du capital d'achat.

C'est l'éternelle histoire sur laquelle, depuis des années, les syndicats d'inscrits maritimes appellent l'attention publique.

Des bateaux d'expérience

 

Les cargos type Marie-Louise sont des bateaux de 3.100 tonneaux construits en 1917, à Lorient, pour le compte de l'Etat, sur un modèle de navire naviguant sur les lacs américains .

Il n'est pas du tout étonnant que les ingénieurs aient eu l'idée bizarre de copier, pour la construction d'un bâtiment de mer, un bâtiment naviguant en eau calme. Les ingénieurs de la marine ont, en effet, la vieille habitude devancer leurs idées neuves, même baroques, au service de l'Etat. Cela leur permet, si les résultats sont satisfaisants, d'entrer avec gloire et galette au service de l'industrie privée des Constructions navales si, comme presque toujours, l'expérience est mauvaise elle a été faite au compte de l'Etat.

Quant aux, fatigues et aux dangers auxquels sont exposés les marins, on n'en tient naturellement pas compte. Tous ceux. qui ont vécu sur des bâtiments de l'Etat et plus particulièrement les mécaniciens connaissent bien ces procédés.

Ce qui caractérise les Marie-Louise ce sont des « ballasts supérieurs latéraux ».

Sur tout bâtiment de charge on prévoit bien l'établissement de water-ballasts, c'est- à-dire de compartimentes susceptibles d'être remplis d'eau, de façon à peser sur le bateau lorsqu'il navigue à l'état liège où sans cargaison le bateau serait en effet, sans ces water-ballasts, dans de très mauvaises conditions de navigation son hélice sortirait de l'eau, parfois jusqu'au milieu. En règle générale, ces ballasts sont
établis aux points les plus bas du bâtiment. Sur les Marie-Louise, ils sont au contraire disposés latéralement contre la coque et divisés en deux tranches inférieures et supérieures. Vice initial de construction dont les conséquences se sont fait douloureusement sentir.

Résultats probants

 

En admettant que ces résultats d'une construction défectueuse n'aient pu être prévus, l'expérience, elle, était probante.

Mais nos officiels sont beaucoup plus préoccupés des bénéfices des armateurs que de la vie des équipages.

Le 25 avril 1921, le Député- Albert-Taillandier, livré le 5 du même mois chavire et coule le 5 novembre de la même année; le Député-Gaston-Dumesnil, livré le 26 juillet, subit le même sort quelque temps après c'est au tour du Député-Raoul-Briquet, toujours dans les mêmes conditions.

Le syndicat des officiers mécaniciens du commerce du Havre appela aussitôt l'attention du secrétaire général de la Fédération, à Marseille, sur les dangers de maintenir ces bâtiments en service et demandait leur désarmement immédiat. Le sous-secrétaire d'Etat à la marine marchande suspendit bien, en effet, la navigation des bâtiments de ce type, mais pour la reprendre peu après, attribuant les sinistres, avec une inconscience scandaleuse à l'imprudence des équipages


Manœuvres criminelles

 

Devant la Commission de la marine du Sénat, puis devant le Sénat lui-même, les 23 et 27 juin 1923, Rio prit l'entière responsabilité de maintenir ces navires en service,, « J'ai passé ma journée à en faire toutes les courbes de stabilité », dit-il. Il reconnaissait que ces navires avaient des défauts mais après modifications, ils pourront, remplier une longue et fructueuse carrière. Le Sénat, dans son ordre
du jour, demande d'assurer la sécurité des équipages et arrête toute construction nouvelle des navires de ce type. Après quoi nos bons sénateurs vont se reposer de leur effort à la buvette.

Une Commission présidée par l'ingénieur Laubeuf avait fixé la nature des modifications à apporter et, d'autre part, précisé que des équipages d'élite et des états-majors de premier ordre devaient seuls être embarqués. sur ces dangereux bateaux.

Verdict évident de condamnation, puisqu'aujourd'hui un bâtiment bien construit ne peut pas chavirer.

En bon Ponce-Pilate, Rio liquida la flotte d'Etat et communiqua à tous les armateurs le plan des modifications à apporter. Il n'est pas à couvert cependant, car les inspecteurs de la navigation eussent dû veiller à ce qu'aucun Marie-Louise non modifié ne sortit du port mais les inspecteurs de la navigation ne vont à bord que pour vider quelques coupes de Champagne au carré des officiers. Rio doit connaître la manière puisqu'il a rempli en son temps cet emploi.

André MARTY.
L'Humanité,
1923/10/23 (Numéro 7239).

 

*Voir navires et marine marchande, n° 17, Vraquiers, métamorphose programmée, Jean François Durand.

Voir :

Voir aussi :

L'ILLUSTRATION, n° 3994 du 20 septembre 1919. Le Cargo-boat Marie-Louise n°1 quittant l'une des cales de l'Arsenal de Lorient sur laquelle ont été construits les cuirassés dont on lit les noms au fronton.

LA LIBRE PAROLE numéro 11258 paru le 31/08/1923. LE STEAMER DEPUTE EMILE DRIANT EN DETRESSE.

LE MODELE REDUIT BATEAU numéro 332 paru le 01/07/1991, Cargos Marie-Louise.

Révision 2012-06-16

 

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