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L'échouement et les réparations du "MÉLUSINE" en Baltique, Mars 1974.
Le « Mélusine » en sortant de Tallin s'est échoué très gravement sur le banc de Rognil. Ci dessous sont retracés, en partie à l'aide du journal de bord, cet événement et les réparations qui ont suivi. Extraits du rapport de mer du commandant Le Mouellic : « ...Appareillage de Tallin avec une cargaison de 13820 tonnes de charbon pour Rouen, le 31 mars 1974 à 8 h 50. Pilote bord, deux remorqueurs, à 10 h, débarqué le pilote, route à 340 vrai. A 10 h 48 laissé la bouée Ragnil Ground par bâbord à 0.4. Passé franchement cette bouée puis venu sur bâbord pour passer derrière des chalutiers qui faisaient route au nord. Ensuite route au 270 vrai. A 10 h 38 talonné et échoué sur l'extrémité du banc de Rognil à 0'99 et au 290 de la bouée. Après avoir battu en arrière et constaté que notre manœuvre était inutile, réuni les principaux de l'équipage et décidé, dans l'intérêt du navire et de la cargaison, de faire appel aux autorités du port afin de nous déséchouer le plus vite possible et si nécessaire, de décharger de la marchandise afin d'alléger le navire. Le temps est beau, le navire ne semble pas courir de danger immédiat. Sondé et constaté des entrées d'eau dans le peak avant, deep, tank et ballasts I, II, III et IV. Pas d'entrées d'eau apparentes dans les cales. ...Vers 13 h, arrivent deux remorqueurs amenant l'agent et les officiers. A 16 h 45 sur la demande de l'agence, j'envoie un télégramme demandant officiellement du secours. Le 1er avril, dans la nuit, arrivée de deux petits navires allégeurs et de deux grues. A 3 h 50 commence le déchargement. A 13 h 50 arrive le brise-glace, remorqueur de haute mer, « Yuri-Lisiansky». 18 h 45 accostage d'un ponton-grue de 15 tonnes. Le temps est très beau ce qui facilite les travaux. Les plongeurs ont visité la coque et fermé les tapes dans les latéraux déjà envahis par l'eau. Le 2 avril, continuation du déchargement toujours par beau temps. Envoi de l'air sous pression dans les latéraux 5 bâbord peak avant et deep tank. A 15 h fermé les cales après avoir déchargé environ 4500 tonnes de charbon. A 15 h 29 le « Lisiansky » commence à tirer par l'arrière, notre machine est parée à manœuvrer, le navire change légèrement de cap, nous entendons un bruit de ragage assez fort sur le fond, il recule et à 15 h 32 il est déséchoué et flotte avec une gîte de 2°5 qui restera constante par la suite. Sondé les cales, aucune rentrée d'eau. Aidé à l'avant de deux remorqueurs « Anter » et « Komsomol », à l'arrière par le « Yuri-Lisiansky » et nous servant de la machine par moment, nous faisons route vers la rade de Tallin où nous mouillons à 20 h 05. Le temps est toujours très beau... ...Continuité à veiller les cales, les ballasts ainsi que la gîte. RAS. Le 3 avril un scaphandrier plonge et relève les avaries. Le 4, les représentants de la société de classification, après avoir pris connaissance du rapport du scaphandrier, inspectent le navire et contrôlent la sécurité (station radio, appareil à gouverner, pompe de cales et pompe d'incendie) ».
Pendant ce temps à Paris, à l'annonce de l'échouement, l'ingénieur d'armement M. Goaec, est parti rejoindre sans délai le navire. Il sert de liaison avec le siège social et annonce que le « Melusine » peut naviguer sur ses plafonds de ballasts. Trois problèmes sont alors à résoudre : 1° Le premier, l'essentiel, trouver le chantier le plus proche du lieu de l'échouement qui accepte de réparer le navire : en Union Soviétique, pas question : Leningrad est pris par les glaces et le programme planifié de Riga ne permet pas de l'accepter. En Finlande, en Suède, en Pologne, en Allemagne Démocratique, personne ne veut du « Melusine ». Il faudra l'envoyer en Allemagne Fédérale, à Kiel aux chantiers H.D.W. qui ont un dock disponible. 2° Le second : que faire de la cargaison ? Les Soviétiques ne veulent pas garder le charbon déchargé chez eux. Finalement ils acceptent de le transporter en deux voyages sur une barge de haute mer à Kiel. 3° Le troisième enfin, faire accepter aux autorités soviétiques de laisser partir le bateau : techniquement ils l'acceptent moyennant certaines conditions que le commandant Le Mouellic évoque plus loin ; juridiquement ils exigent un dépôt de garantie considérable pour couvrir les frais d'allégement, de déséchouement, de remorquage et de transport du charbon. Ce dernier problème a été résolu après quelques malentendus qui ne se sont réglés qu'au dernier moment. « ...Les 5 et 6 au mouillage en rade de Tallin attendant l'autorisation de départ et l'arrivée du « Lisiansky » lequel arrive le 7 à 12 h. L'après-midi, formalités de départ et visite complète du navire par l'immigration puis les papiers nous sont remis avec l'autorisation de faire route sur Kiel afin d'y réparer le navire. Cette autorisation est assortie de certaines conditions dont celle de nous faire escorter par le brise-glace « Lisiansky ». 19 h 36, pilote à bord. 18 h 51 ancre dérapée, appareillé. Puis route sous la conduite du pilote à vitesse réduite. ...A 22 h, débarqué le pilote. A 22 h 30 pris une route à vitesse limitée nous permettant de rester à proximité des côtes. Notre escorteur nous suit à quelques centaines de mètres. Le 8 le navire se comporte toujours bien, sondé les cales, RAS. Le 9 beau temps et le 10 à 16 h 55 mouillé en rade de Kiel. A 19 h, le capitaine du « Yuri-Lisiansky » me fait signer un document signifiant que son escorte est terminée. Le 11 à 23 h, appareillé sous la conduite d'un pilote, assisté de deux remorqueurs. ...Le 12 avril à 0 h 25, amarré à quai à Holtenau afin de décharger le charbon pour permettre la montée sur le dock. Commencé aussitôt le déchargement à deux grues et terminé le 14 à 01 h 45... »
A Kiel, les travaux durent du 16 avril au 17 mai de 7 h à minuit, samedis et dimanches compris. Les dégâts sont très importants : le fond est labouré sur cinquante mètres environ du peak avant à l'avant des ballasts 3 et pratiquement sur toute la largeur. Les photos ci-contre donneront une idée de la situation. Il y a 140 tonnes de tôle à changer : chaque varangue, chaque carlingue, chaque membrure et tout le bordé de fond est découpé et remplacé. De plus on doit visiter l'hélice, l'arbre porte hélice, la butée et vérifier que le moteur a tenu le coup lors du battage en arrière pour tenter de déséchouer le bateau. Et puis on profite de l'arrêt pour faire quelques travaux supplémentaires. Enfin le 17 mai, les essais d'étanchéité des ballasts neufs sont satisfaisants, les peintures sont terminées et le « Mélusine » peut flotter à nouveau et aller récupérer sa cargaison.
Nicolas DUPONT, Ingénieur d'Armement. b-74/73
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