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M/S "HERMINE" "HERMINE" PRIS DANS LA TRAPPE ou 37 jours dans la Mississipi River Depuis de nombreuses années nos navires fréquentent assidûment pendant l'hiver les port du Golfe du Mexique et plus spécialement les ports du Mississipi. Les chargements de grains à Bâton Rouge, Destrehan, Nouvelle-Orléans ont été des expériences plus ou moins heureuses et certains à l'U.I.M. ont gardé le souvenir de séjours plus ou moins prolongés au mouillage, perdus loin de tout, quelque part sur le Mississipi. Ces attentes étaient dues à l'encombrement des ports de chargement mais c'est un phénomène naturel qui devait valoir à l'Hermine le triste privilège de battre tous les records en la matière : 37 jours de séjour en rivière du 27 janvier au 5 mars. Le tirant d'eau pour sortir par la passe Sud-Ouest du Mississipi, est en général contrôlé à 40'. Différentes circonstances météorologiques durant l'automne et le début de l'hiver, en particulier un temps très doux, ont entraîné une crue importante et des apports d'alluvions considérables. Le résultat a été la formation d'une barre située à la sortie de la passe Sud-Ouest et les autorités de La Nouvelle-Orléans ont été amenées à diminuer progressivement le tirant d'eau autorisé. C'est ainsi que le 27 janvier le tirant d'eau avait été ramené à 35' et que l'Hermine prêt à partir avait dû limiter son chargement et c'est à partir de ce moment que le navire devait être la victime d'un sort contraire. Le navire est d'abord bloqué par la brume les 27, 28, 29 janvier. Le 30 au soir l'Hermine reçoit ordre d'appareiller en direction de la passe. Le 31 au matin le navire « Texaco Florida » qui le précède s'échoue et bloque la passe. L'Hermine reçoit ordre de mouiller à Pilot Town. L'obstacle que constitue le navire échoué aggrave l'engorgement de la barre et malgré les efforts de 7 puis 8 dragues, seuls les navires de faible tirant d'eau peuvent passer. Le 3 février un navire ayant environ 33' tente de sortir mais s'échoue et à 6 h le 4 février la passe est officiellement interdite et 100 navires sont bloqués dans l'attente du renflouement du navire échoué. Cette opération est complétée le 7 au soir et le trafic est ouvert pour tes navires de moins de 34'6". Un espoir apparaît de faire sortir l'« Hermine » pour les grandes marées du 9-10 février, malheureusement le 10 un nouveau navire s'échoue et le tirant d'eau est ramené à 33'. Pendant ce temps l'Hermine étant parti du quai de chargement avec le minimum d'eau potable, le commandant avait dû bientôt rationner l'eau et même utiliser l'eau des embarcations de sauvetage avant qu'une barge puisse lui apporter de l'eau le 5 février au soir. A cause du courant extrêmement violent, le navire ayant à deux reprises chassé sur ses ancres, le 6 février le commandant assisté d'un pilote tentait de changer de mouillage vainement le navire étant échoué dans la boue. De l'avis du pilote, c'était la meilleure position car on ne comptait plus les navires partant à la dérive ancres perdues ou chaînes brisées. Le 10 février avec l'aide de 4 remorqueurs le navire était déséchoué paré à manœuvrer quand, comme indiqué plus haut, tout fut remis en question. Nos agents et les pilotes suggèrent alors d'alléger le navire à 34' mais cette opération est difficile : il faut trouver une barge, des aspirateurs, des remorqueurs, de la place en silo pour entreposer le tonnage allégé. Le commandant, perdu au bout du fleuve, isolé loin de son agent de La Nouvelle-Orléans, ne pouvant quitter son bord et n'ayant avec la terre que des communications difficiles, peut difficilement agir. Notre agent qui a la consignation d'une bonne partie des 100 navires bloqués est totalement débordé et assez peu efficace. Nous demandons donc au Cdt Bourdonnec d'interrompre ses congés en France et de rallier La Nouvelle-Orléans. Avec son habituelle efficacité et grâce à la bonne volonté des affréteurs qui lui apportent toute l'aide voulue, il réussit à réunir tous les éléments nécessaires et le 24 févier le navire qui entre temps est remonté à La Nouvelle-Orléans allège d'environ 1 450 tonnes et le tirant d'eau est ramené à 33'7". Le navire repart le 24 soir vers la sortie du fleuve. La malchance n'avait pas encore abandonné l'Hermine. Le 25 à 4 h du matin le navire reçoit ordre de mouiller à 10 milles en amont de Pilot Town car une nouvelle fois la passe est bloquée par un navire le « Mary Lou » qui vient de s'échouer avec un tirant d'eau de 33'9 mais surtout à la suite, semble-t-il, d'une fausse manœuvre. Le « Mary Lou » est déséchoué le 4 mars à 16 h, la passe reconnue par les pilotes dans la nuit. L'Hermine franchit enfin la passe Sud-Ouest à 15 h 15 sans difficultés particulières. Dans cette aventure, le navire comme pris dans une trappe, n'avait à aucun moment couru de risques graves, mais le moral de tous à bord, bloqués sur le fleuve, loin de tout, pratiquement sans communications avec la terre, avec un courrier intermittent, avait beaucoup baissé. Pour notre part, assez mal informés de la situation, d'où notre décision d'envoyer le Commandant Bourdonnec en mission, nous avions de loin l'impression que la réouverture de la barre à un tirant d'eau normal était toujours pour le lendemain, les autorités portuaires étant d'ailleurs fort peu loquaces. La décision d'alléger était très risquée car nous restions responsables des 1 450 tonnes déchargées que nous devions en principe acheminer à nos frais à Rotterdam, port de destination du navire et remettre aux réceptionnaires porteurs des connaissements et propriétaires de la cargaison. En fait, grâce à la compréhension de nos affréteurs, la situation a pu trouver une solution élégante. Nos affréteurs ont racheté les 1 450 tonnes au prix de La Nouvelle-Orléans et nous avons réglé aux réceptionnaires le prix « rendu Rotterdam » de ces 1 450 tonnes. Compte tenu du niveau des taux de fret et de la hausse des prix des sojas, la différence que nous avons dû régler s'élève néanmoins à $ 40 par tonne. En outre, cette attente représente, bien sûr, 37 jours d'exploitation perdus pour UNITRAMP, sans compter des programmes bouleversés, des frais considérables à La Nouvelle-Orléans pour les différents mouvements du navire et l'allégement proprement dit. Il s'agit là d'un des aspects de notre métier avec ses risques financiers très importants mais contre lesquels il est malheureusement difficile de se prémunir. M. S. b-74/73
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