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"SONTAY" ID 1168326
D'autres images sur le site de Philippe Ramona
CARGOS DU PASSÉ
En cette claire matinée de septembre 1921, le port de NEW YORK a pris un air de fête ! Les remorqueurs, les ferries ont descendu l'HUDSON avec leurs grandes enseignes battant, les bateaux-pompes sont prêts à actionner leurs jets d'eau, tandis que sur le pier de la HAMBURG AMERIKA LINE, quasi-désert depuis sept ans, règne maintenant une agitation fébrile... Après la belle réception du "Paris" de la COMPAGNIE GÉNÉRALE TRANSATLANTIQUE, peu auparavant — lors de sa première arrivée dans le grand port américain — les New-Yorkais fêtent aujourd'hui le voyage inaugural du paquebot mixte "BAYERN" qui marque la reprise des services de la H.A.L. sur NEW YORK. Le fait est important, car cette Compagnie était, avant 1914, la plus active de toutes celles qui fréquentaient ce port. Le "BAYERN" précédant le "BADEN" et le "WURTTENBERG", ses sisters-ships construits comme lui par les Chantiers BREMER VULKAN de VEGESACK, était d'ailleurs le premier paré non seulement de sa série, mais encore de la nouvelle flotte allemande toute entière. D'où le caractère exceptionnel de cette réception ! Le nouveau navire, fort bâtiment à 4 mâts et 9 563 tonneaux de jauge brute, pouvait transporter 800 passagers et 9 657 tonnes de fret en 6 cales. Sa coque, en acier et comportant deux ponts complets, avait 143 mètres de long, 17,65 mètres de large et 10,80 mètres de creux. Il avait été lancé le 2 juin 1921 et sa machine, une triple expansion avec turbine BAUER-WACH de 5 000 CV, alimentée par 3 chaudières cylindriques chauffant au charbon, lui permit d'atteindre le mois suivant, aux essais officiels, une vitesse de 13 nœuds, avec une consommation journalière de 72 tonnes de charbon. Par la suite, les trois "BAYERN" assurèrent les services "passagers" de leur Compagnie jusqu'en 1924, époque à laquelle furent mis en ligne les paquebots du type "Deutschland" de 21 000 tonneaux. Transformés alors en cargos, ils effectuèrent des voyages de fret de HAMBOURG sur NEW YORK et les ports de la côte Est des Etats-Unis. Et ce n'est que dix ans plus tard que, surclassés par de nouvelles unités plus rapides, ils furent mis en vente par les Allemands. C'est alors — janvier 1936 — que l'Armement français UNION MARITIME MÉDITERRANÉENNE, filiale de l'U.I.M. dont le Président était M. Jacques d'ANGLEJAN, se rendit acquéreur du "BAYERN" qui répondait bien à un service dont il s'était rendu adjudicateur : assurer la relève des troupes de la Légion Etrangère sur les garnisons du TONKIN. Le navire prédécesseur, le "KOUANG-SI", de l'Armateur marseillais VALOUSSIERES, vieux navire de 36 ans, venait de partir à la ferraille. Dirigé sur le HAVRE, où il fut aménagé en transport de troupes, le "BAYERN" put désormais transporter 35 passagers de 1re classe, 17 de 2e, 60 de 3e et 994 rationnaires. On le dota de la chauffe au mazout et le 14 février 1936, il était francisé sous le nom de " SONTAY". Etait ainsi honorée cette ville du TONKIN, proche de HANOI, sur le Fleuve Rouge, rendue célèbre par la victoire qu'y remporta COURBET en 1883 et qui était devenue la principale base de la Légion Etrangère en INDOCHINE. Ce nom avait d'ailleurs été déjà celui d'un cargo mixte des MESSAGERIES MARITIMES, construit à LA CIOTAT en 1907, et qui trouva sa fin en Méditerranée, frappé par une torpille allemande, le 16 avril 1917. Le nouveau "SONTAY", sous le commandement du Capitaine BRIGNAUDY, entreprit son voyage inaugural au départ du HAVRE, le 13 mars 1936. Il était placé sous affrètement et gérance technique des M.M. Après une tournée des ports du Nord, il gagna ORAN, où il embarqua quelques 1 000 légionnaires du dépôt de SIDI-BEL-ABBÈS, et fit route sur HAIPHONG. Voyage sans histoire, le navire étant parfaitement aménagé pour sa mission. Désormais, et jusqu'en 1940, il allait assurer, à la cadence d'un voyage tous les 5 mois, le transport de ses troupes à la satisfaction des services de l'Armée. A son mât de misaine, flottait la flamme verte de la Légion, et son Commandant qui se dévouait sans compter pour ses passagers, parfois pourtant — pour le moins — bien "remuants", avait été nommé "Caporal d'Honneur du Premier Régiment Etranger ". A ses voyages de retour, le "SONTAY" était mis en renfort sur la ligne commerciale d'Extrême-Orient des MESSAGERIES ; il touchait alors les ports de CHINE, de la SIBÉRIE Orientale et du JAPON. C'est au cours d'un de ces voyages de retour que se place un accident de navigation, le seul que l'on puisse noter tout au long de sa carrière : un échouage par brume intense et mauvais temps sur les récifs METEOR dans la Mer de Chine, le 10 mars 1939. Renfloué cinq jours plus tard sans avaries majeures, le grand navire put reprendre sa route et continuer son service normalement. Et ceci, même après la déclaration de guerre de 1939 et jusqu'à nos malheurs de 1940. Bloqué en INDOCHINE pendant plusieurs mois après l'Armistice de 1940, il tenta vers la fin de cette année de reprendre le chemin de la FRANCE, par MADAGASCAR et DAKAR. Mais le 26 janvier 1941, se trouvant dans le sud de l'OCEAN INDIEN, en route pour doubler très au large le Cap de BONNE-ESPERANCE, il fut intercepté par la croisière britannique et, sous escorte du croiseur "ENTERPRISE" et du porte-avions "HERMES " conduit à DURBAN, où il arrive le 29. Peu après, les Anglais le réquisitionnaient, il sera armé par les Britanniques et géré par l'Union castle Line pour le compte du MOWT. Le brave "SONTAY " devait alors, durant plus de cinq ans, rendre de précieux services sur les théâtres d'opérations les plus divers et les plus lointains, notamment celui du Pacifique. Sorti de la grande tourmente miraculeusement intact. Il revint dans sa patrie en 1946 et fut attribué aux MESSAGERIES MARITIMES, l'UNION MARITIME MÉDITERRANÉENNE ayant été dissoute pendant la guerre. Le 6 août 1946, il appareillait d'ANVERS sur la ligne commerciale de CHINE et du JAPON en cours de reprise, mais dès l'année suivante, en raison de la situation en INDOCHINE, il retournait à sa spécialité de transport de troupes, d'abord entre MARSEILLE et l'INDOCHINE, puis entre SAIGON, TOURANE et HAIPHONG. La fin de nos opérations en 1954 l'ayant bientôt privé d'emploi, on put croire que le "SONTAY" avait terminé sa carrière déjà longue. Pas encore cependant ! Vendu à des armateurs chinois de HONG-KONG en juin 1955 et placé sous le pavillon de ... PANAMA, il prit le nom de "SUNLOCK" et se remit à briquer les Mers de CHINE, jusqu'au 28 mai 1958, jour de son désarmement dans le port de FURAMATSU au JAPON. Et c'est en février 1959, 38 ans après son lancement, qu'il fut livré, dans ce même port, au pic des démolisseurs. Le "SONTAY" avait été un beau navire, très réussi, et sur lequel on pouvait toujours compter ! Sa carrière, assez extraordinaire, lui valut de plus, d'être considéré, par tous ceux qui le connurent, comme un navire heureux. Il était aussi, et de beaucoup, la plus importante unité qu'ait possédé le groupe des Sociétés de la rue de Naples, et ceci jusqu'à la mise en service du "JEAN SCHNEIDER" en 1960. Quant à son unique Commandant de l'époque U.M.M., le Capitaine BRIGNAUDY*, il était mort une dizaine d'années auparavant, étant Capitaine-expert à SAIGON, si mes renseignements sont bons, dans ce port même où il l'avait tant de fois conduit, au temps des joyeux voyages de la Légion.
par M. Pierre GRIFFE (†), Capitaine au Long Cours et divers. UIM - 1966/46
* Nota de Roch Brignaudy : Le capitaine Emilien Brignaudy (mon grand père) est décédé le 8 mars 1972 (à l’age de 86 ans) à son domicile nazairien et non quelques dizaines d’années plus tôt comme le pense l’auteur de l’article consacré au Sontay. Ce bateau était appelé le "bateau de la légion", ce navire faisait en effet, avec l'Extrême Orient les relèves de la Légion Etrangère. Il portait la flamme de la Légion et les Légionnaires le considéraient comme leur propriété.
Nota de Joël Pham :
Webmaster d'un
site sur l'histoire des travailleurs indochinois venus en
France en 1939/40, je voudrais vous indiquer que ce navire a transporté
plusieurs de ces compagnies (un millier d'hommes) lors d'un voyage Indochine-Marseille du 3 novembre au 11 décembre 1939. Il en ramènera environ
un demi-millier au départ de Marseille le 4 mars 1950.
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