Adieu à Jean de LANAUZE
Notre vice-président, Jean Séré de LANAUZE, qui avait
assisté le 6 décembre au dernier conseil de surveillance
de l' U.I.M., a été emporté brutalement les 9 décembre
par une crise cardiaque.
C'est une grande perte pour notre société el un ami
fidèle de notre famille qui disparaît.
Jean de LANAUZE, né en mai 1 900, était entré le 1er
janvier 1923 aux Armateurs Français, peu de temps
après que cette société, qui avait été en quelque sorte
la mère de l' U.I.M., ait emménagé, 36, rue de Naples.
Licencié en droit, il avait l'intention de faire
une carrière d'avocat maritime; après un passage chez
M. GONNEVILLE. qui était notre agent à Cardiff, il avait
été présenté à notre père en décembre 1922, qui
l'engagea pour le lendemain par cette lettre — que nous
avons retrouvée — " un poste dans le service
affrètements lui était attribué à titre d'essai et avec
un traitement qui ne pourra pas au début excéder 500 F
par mois ".
L'intérêt de ce métier d'affrètement fut tel que Jean
de LANAUZE renonça à sa carrière éventuelle d'avocat
maritime pour se consacrer à l'affrètement comme adjoint
de M. Louis BONDU, directeur de ce service.
Le 14 juin 1925, le poste du chef de service
contentieux était disponible, il l'acceptait. Un de ses
premiers travaux consista en la rédaction des statuts de
l' Union Industrielle el Maritime, créée en juillet 1925;
il souscrivit une petite part du capital avec ses
économies, comme le firent d'autres amis de notre père
et notre société démarra avec un capital de 300000 F.
Nous avons retrouvé dans les archives de la maison ses
rapports enthousiastes lors des achats et de la prise en
charge des deux premiers navires " DIVONA " et " JANINE ".
Mais en fin d'année, la crise sévissait et en accord
avec notre père, Jean de LANAUZE partit pour Londres où
il fut chargé de remonter un bureau d'affrètements
français qui n'avait surtout comme actif que des clients
en difficulté. Il réalisa l'impossible, mais ne voyant
pas d'avenir dans cette activité londonienne, en plein
accord avec notre père, il quitta le shipping tout en
restant administrateur de l' U.I.M. Il le regretta
quelque peu par la suite, mais, nous a-t-il dit, il
avait aimé passionnément ce métier difficile et il
conserva une amitié et une estime profonde pour le
fondateur de l' U.I.M. qui l'avait formé pendant trois
ans; sa nouvelle carrière fut éblouissante.
Entreprenant une reconversion professionnelle
complète, il partit en 1927 à New York comme secrétaire
général des " parfums de Rosine ", société créée par
Paul POIRET, ce génial couturier de l'époque 1920-1925;
l'affaire était d'ailleurs contrôlée sans que Jean de LANAUZE le sut par la société Colgate Palmolive.
La rencontre de Jean de LANAUZE et de cette grande
société américaine devint une passionnante histoire.
Remarqué par les patrons américains, il revint à Paris
dans la succursale française de ce groupe. Il s'y révéla
un chef dans toutes les fonctions qu'il occupa.
Vendeur excellent, il créa le réseau Palmolive en
Suisse et en Afrique du Nord ; il réussit à convaincre
le président américain de la construction d'une usine en
France, usine que Jean de LANAUZE conçut dans tous ses
détails. Entouré d'une équipe de vendeurs exceptionnels,
il fusionna Cadum et Palmolive, devint le président de
la société et pendant toute cette période
prodigieusement active, jamais il n'oubliera l' U.I.M.
Il venait à tous nos conseils, s'efforçait de
combiner ses voyages fréquents outre-mer avec nos
réunions, et il suivait avec intérêt nos efforts et nos
réussites.
Reportant sur nous deux la fidèle amitié qu'il avait
pour notre père, il fêta en 1975 le cinquantième
anniversaire de l' U.I.M. et de sa présence au conseil
d'administration.
Jamais le mot retraite n'eut un sens pour lui; il ne
pouvait s'arrêter de travailler dans les secteurs les
plus variés où son intelligence très ouverte, son sens
de la réalité et son tempérament de chef lui faisaient
jouer un rôle essentiel. C'est ainsi qu'après avoir
animé une société de vente par correspondance, il devint
président de l' Union des Annonceurs, association qui
réglemente la profession et il y joua un rôle essentiel.
Finalement à 75 ans, il décida de diminuer
l'intensité de son travail et commença à réaliser les
voyages tranquilles dont il avait toujours rêvé :
l'Océanie au début de 1977, puis fin septembre une
rotation des grands lacs sur " LAURENTINE ", de Montréal
à Montréal, furent les premières étapes de cette
activité plus détendue, mais peut-être plus profonde et
plus calme.
Il devait nous raconter cet hiver ses réflexions à la
suite de son voyage sur " LAURENTINE " dont il gardait
un souvenir très profondément heureux.
Nous comptions au conseil sur son expérience des
affaires, sur sa passion des choses de la mer, sur son
amitié pour toute notre maison. Son décès si brutal ne
le permettra malheureusement pas.
Nous savons que la maison toute entière s'associe à
nous pour exprimer à son épouse Maud, et à sa fille
Muriel, notre grande peine et nos sincères condoléances.
Maurice et Pierre-Edouard CANGARDEL.
b/U.I.M. n°87/01 -1978