Au moment où cet excellent collaborateur et ami nous
quitte, je désire rappeler sa belle carrière. Louis
DELMAS est né le 8 juin 1901 à MONTALZAT
(Tarn-et-Garonne). Après de sérieuses études techniques
et son service militaire à l'Arsenal de TOULOUSE, il
effectua plusieurs stages dans l'industrie; Renault,
Latécoère, Bergougnan, et assura, encore très jeune, les
fonctions de Chef d'Entretien à l'Air Liquide.
En 1926, il fût engagé par la Société de Condensation
et d'Applications Mécaniques, et affecté spécialement
aux installations des centrales thermiques (Ivry, Vitry
Sud, Valenciennes). Nommé Ingénieur en 1932, il fut
affecté au département " Marine " : installations de
condensation et de distillation, calculs et projets
d'auxiliaires (pompes, condenseurs, éjecteurs,
bouilleurs etc...) en particulier réalisations et
essais, au port et à la mer, des installations à vapeur
de bâtiments de guerre et de navires de commerce.
Lors de la construction du "
Paul de Rousiers
", qui était pourvu d'un turbocompresseur Gotaverken,
d'un circuit fermé d'alimentation, d'une pompe attelée
tournant à 18000 tours, et de différentes installations
assez complexes pour l'époque, j'avais pu me rendre
compte de la compétence de M. DELMAS. Préoccupé de la
bonne exploitation de ce navire, quelque peu
révolutionnaire, et du travail déjà intense demandé à M.
QUIBEUF et à moi-même, je proposai à M. DELMAS, dont les
qualités m'avaient été confirmées par son Chef et en
même temps mon ami, M. MARCHEIX, de l'engager à l' U.I.M.
Entré dans nos services en qualité d'Ingénieur
d'Armement, et détaché à Marseille pour suivre la remise
en état des différents navires, et en même temps
l'achèvement du "
Paul de Rousiers
" en construction à PORT DE BOUC, il appareilla avec le
navire, après essais, le 5 novembre 1942, pour ALGER. A
la suite du débarquement allié en Afrique du Nord, il
fût mis en affectation spéciale, sur la proposition de
M. P.-E.
cangardel, lui aussi à Alger à la Direction des
T.M., et reçut des Autorités Françaises tous pouvoirs
pour assurer la gérance des navires de l' U.I.M. se
trouvant en Afrique : "
Paul de Rousiers
", " Capitaine
Saint-Martin ", "
Gabriel
Guist'hau ", "
Janine ",
" Richebourg "
et " Divona
". En même temps, il était chargé des réparations et de
l'entretien de l' "
Indiana "
et du " Marrakech ", appartenant à la COMPAGNIE GÉNÉRALE
TRANSATLANTIQUE.
Le "
Capitaine Saint-Martin " ayant été sabordé à
l'arrivée des Alliés à Oran, M. DELMAS prit alors toutes
dispositions avec les Autorités locales pour le
renflouement et une remise en état provisoire avant
l'achèvement des travaux en Angleterre. Il effectua de
nombreuses missions à BOUGIE, ORAN ET CASABLANCA.
Pendant cette période de novembre 1942 à janvier 1945,
par son travail, son dévouement et son initiative, aidé
par le Commandant HlERONIMUS, premier Commandant du "
Paul de Rousiers
", qui avait pris les fonctions de Capitaine d'Armement,
il a permis aux navires de l' U.I.M. se trouvant en
Afrique, de contribuer à l'effort de guerre de la Marine
Marchande française.
Au cours de ce séjour, d'autant plus pénible qu'il
n'avait aucune nouvelle de Mme DELMAS, il tomba
gravement malade, mais reprit son activité rapidement.
Rentré en France en 1945, après un repos
indispensable, il revint à notre Société début 1946, en
qualité d'Ingénieur attaché au siège social, puis
d'Ingénieur en Chef, et s'occupa de la surveillance de
la construction, de la mise en service et de l'entretien
courant des différents navires de l' U.I.M. H assura
entre autres travaux, la mise au point très laborieuse
et très délicate du vapeur " Magellan " qui avait été
achevé dans de mauvaises conditions, après la guerre, et
celle du navire à moteur "
Belem ", puis suivit la construction du "
Roseline " et du " Jacqueline ", navires
particulièrement réussis.
Au cours de sa carrière à notre Société, M. DELMAS,
bénéficiant de l'expérience qu'il avait acquise à la
S.C.A.M. dans les études et la mise au point des
appareils à vapeurs modernes, a apporté une très large
contribution à l'entretien et au fonctionnement de ces
installations, souvent délicates. Il s'est adapté très
rapidement aux tâches qui incombent à un Ingénieur
d'Armement; tous les problèmes relatif à l'entretien et
à la réparation des coques, lui sont devenus familiers.
La profession d'Ingénieur d'Armement comporte de
nombreuses difficultés, car il est toujours nécessaire
de rechercher un compromis entre les différents
impératifs, souvent contradictoires, qui commandent
l'exploitation des navires. La sécurité est primordiale,
elle oblige l'Ingénieur à prendre toutes les mesures
voulues pour l'assurer, même au détriment d'autres
données d'exploitation. Par contre, en ce qui concerne
le fonctionnement, l'état d'entretien du navire et le
rendement, il est souvent nécessaire de peser
soigneusement les décisions à prendre, de façon à, non
seulement réduire le temps d'immobilisation du navire,
mais aussi éviter toute dépense qui se révélerait
superflue. Il est, d'autre part, indispensable que les
décisions soient prises dans le délai le plus court, car
toute perte de temps conduit fatalement à une perte
d'argent.
D'un esprit à la fois vif et méticuleux, M. DELMAS
savait coordonner ses efforts en vue de l'exécution du
programme qu'il s'était fixé; toujours prêt à se rendre
sur place, il réunissait toutes les qualités
indispensables à l'exercice de sa fonction.
Il avait acquis, en outre, une profonde connaissance
du milieu maritime, auquel il s'était attaché; bien
qu'il ait été souvent conduit à repousser certaines
demandes de travaux, pour la défense des intérêts qui
lui étaient confiés, il avait néanmoins les meilleures
relations avec les Etats-majors s de nos navires;
ceux-ci lui ont d'ailleurs prouvé avant son départ, au
cours d'une réception sur 1' " André Masset ", le
respect et la considération qu'ils avaient pour lui.
C'est avec une certaine émotion que j'ai rédigé cet
article sur l'activité de M. DELMAS; je crois être
l'interprète, aussi bien du personnel navigant que du
personnel sédentaire, pour joindre nos souhaits les plus
chaleureux à ceux de notre Président, et lui dire notre
espoir de le revoir, de temps à autre, soit pour
bénéficier de son expérience, soit accompagné de Madame
DELMAS, à titre de passagers sur l'un ou l'autre de nos
navires.
Charles POURCHER