SOUVENIR D'ALPHONSE RIO
Président du Comité de gérance
de l' UNION INDUSTRIELLE ET MARITIME
par H. CANGARDEL
J'ai demandé à M. Georges
Aubin, Capitaine au long cours, Directeur de l' Union Maritime de
la Basse Loire, d'écrire une petite plaquette consacrée à la
mémoire d'Alphonse Rio. Cette brochure, imprimée à Nantes, va
être envoyée gratuitement, sur leur demande, aux Amis de Rio et
à tous ceux qu'intéresse la vie de notre ami disparu.
M. Georges Aubin a bien
connu Alphonse Rio à Nantes; il peut être considéré comme l'un
des plus fidèles parmi ses amis. Nul mieux que lui ne pouvait
retracer la carrière magnifique de celui qui, mousse à son jeune
âge, commanda plus tard des " Cap Horniers", fit plusieurs fois
le tour du monde et fut député, sénateur et ministre.
Dans son émouvant
témoignage, M. Georges Aubin rappelle les obsèques de Rio à
Quiberon; il donne le texte du discours que Van der Kemp qui fut
lieutenant de Rio dans ses campagnes lointaines, avait écrit à
cette occasion et il termine ainsi:
Alphonse RIO
" Le ciel mouvant et bas,
aux nuages sombres bousculés par un vent de tempête, laissait,
de loin en loin, filtrer une lumière pâle, jaune, indécise,
inévitable compagne, que les marins connaissent bien, des
cyclones et des mauvaises dépressions. Cette douteuse clarté
faisait miroiter étrangement la surface glauque de la mer
écrasée sous les blancs déferlements " des lames monstrueuses
accourues des lointains, à l'assaut du vieux granit tenace
d'Armorique. Les femmes des marins tournaient invinciblement
leurs pensées vers ceux des leurs qui bataillaient au large,
désespérément, sous la puissance infinie des éléments déchaînés,
qui devaient, cette fois encore, faire des victimes sur nos
côtes.
Un vrai temps du Cap Horn!
Et j'imagine que Rio eût aimé, pour accomplir cette dernière
promenade sur sa presqu'île, cette atmosphère " tourmentée, ce
grand souffle du large qui lui rappelait les luttes redoutables
et les rudes heures d'antan.
Et la foule, après un
dernier regard au cercueil, s'écoula lentement, serrant, une
fois encore, les mains brisées de Mme Rio qui, bien que malade
et marchant avec difficultés voulut à tout prix accompagner son
" mari jusqu'au bout et de son fils Jean, tous deux écrasés de
douleur.
Rio repose maintenant, et
pour toujours, dans cette étroite langue de terre, éternellement
battue par les vents et la mer, comme un navire au large, tout
près de son village natal de Carnac, en ce sol breton dont il a
défendu et aimé les populations, les populations maritimes
surtout, auxquelles il a consacré son existence et qui,
maintenant qu'il n'est plus, mesureront " plus justement, à
l'aube de son absence, ce que fut pour eux ce marin, ce
capitaine, ce chef.
Adieu, capitaine Rio"
j'ai désiré citer ces lignes
émouvantes de M. Aubin, pour attirer l'attention de nos lecteurs
sur son ouvrage.
Je l'ai préfacé par une très
courte déclaration que voici :
j'ai voulu qu'un bâtiment
portant le pavillon de l' UNION INDUSTRIELLE ET MARITIME
s'appelât " Capitaine Rio". j'ai, par ce choix, marqué la
reconnaissance que la Marine marchande toute entière doit à M.
Rio, député, sénateur, ministre, qui a défendu avec une
vaillance et une ténacité magnifique notre flotte de commerce et
les marins. Alphonse Rio, capitaine de voiliers, dès l'âge de
vingt-cinq ans, s'était juré de rester fidèle à la Marine en la
servant au parlement, au gouvernement et devant l'opinion
française.
j'ai eu beaucoup d'amitié
pour Alphonse Rio. Je l'ai rencontré pour la première fois alors
qu'il avait été chargé de mission à New York auprès du
Commissariat des Affaires de Guerre franco-américaines dirigé
par André Tardieu. Dès que Rio fut élu député du Morbihan, je
l'ai retrouvé avec joie: j'ai travaillé à ses côtés alors qu'il
était Ministre de la Marine marchande; je rai suivi avec la même
sympathie et le même dévouement dans sa belle carrière. j'ai
déploré avec tous ses amis qu'il n'ait pas après la Libération,
retrouvé la place qui était marquée pour lui au premier rang.
Mais Alphonse Rio a eu la bonne fortune, assez rare pour un
homme politique, de réaliser une œuvre et de marquer sa trace
dans les organisme> maritimes de notre pays, non seulement par
des discours mais par des actes.
Notre beau motorship "
Capitaine Rio" rappellera dans tous les ports qu'il visitera, le
nom de celui qui fut un bon serviteur de la Patrie. Mais la
France oublie vite ceux qui l'ont le mieux servie; c'est
pourquoi j'ai demandé à notre ami, Georges Aubin, Capitaine au
long cours, directeur de l' Union Maritime de la Basse-Loire à
Nantes, de rédiger des souvenirs sur Alphonse Rio et de retracer
les divers épisodes de sa vie si bien remplie.
Je remercie M. Aubin d'avoir
réalisé sa tâche avec une émotion et une fidélité dignes de son
sujet.
Nous avons ainsi rendu
hommage au grand marin disparu et payé tous deux notre tribut à
l'amitié.
b/U.I.M. n° 09/01-1954 |