Henri Cangardel

 

 

Monseigneur DERUMAUX

 

Ces paroles d'espérance,

C'est un message que nous transmet chacun des chrétiens qui vient de nous quitter.

Elles nous placent devant le même choix que les Athéniens, disputeurs, curieux de tout, auxquels saint Paul annonçait la résurrection du Christ.

Ces Grecs, comme nous leur ressemblons ! Même si nous ne reléguons pas tout à fait cette promesse de vie éternelle dans le domaine des illusions, elle n'a guère d'effet sur nos existences, dévorées par la fièvre des affaires ou l'accumulation des responsabilités.

En somme, on s'efforce de faire face, au jour le jour ; ou si on s'essaie à la prospective, dans notre vie personnelle, c'est à la manière de ce riche propriétaire (dont Jésus a esquissé le croquis dans l'Evangile) : il vient de faire une récolte magnifique et ne songe qu'à l'accumuler dans des granges plus vastes ; « Maintenant, réjouis-toi, ta vie est assurée ! ». Le Seigneur de lui répondre : « Pauvre fou, cette nuit même, on va te demander ta vie ! ».

Oui, notre vie, que vaut-elle ? Quelle est sa signification ? Quel message transmet-elle ? Qu'est-ce qui sera digne d'en rester, lorsque l'heure sera venue, non plus de la peser aux balances de la Réussite ou de la Renommée, mais de la soumettre à ce regard d'un Seigneur, bienveillant certes, mais qui « sonde les reins et les cœurs » ou « qui sait ce qu'il y a dans l'homme ».

Il semble que c'est la réflexion à laquelle nous invite celui qui nous réunit dans son souvenir et que vous entouriez de votre estime ou de votre amitié.

Le hasard des circonstances a voulu que je le rencontre moi-même, quelquefois, voici une dizaine d'années : comme vous sans doute, sous l'homme d'affaires, sous l'administrateur de grandes entreprises, j'ai trouvé un homme, qui ne se réduisait pas à ses fonctions : un homme, c'est-à-dire quelqu'un pour qui la vie n'était pas une sombre aventure de hasard, sans signification et sans but, mais l'aube de cette vie éternelle dont parle Jésus et pour laquelle nous sommes nés

C'est-à-dire quelqu'un pour qui les autres hommes n'étaient pas des compagnons de misère, condamnés aux mêmes tâches stupides, comme de rouler chaque jour le même rocher de Sisyphe, sans espoir, mais des frères, membres de la même famille des enfants de Dieu : simplement beaucoup s'en soucient peu et quelques-uns s'ingénient à se défigurer... Mais, en fin de compte, ne sont-ils pas plus dignes de pitié que d'indifférence ou de mépris ?

C'est Dieu même qui nous l'assure par Jésus : « Celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors ». De même il peignait le Père, non pas comme le justicier, le comptable froid, qui va opposer à l'enfant prodigue un bilan désastreux, un constat d'échec, mais comme celui qui accueille et introduit dans la Maison ; mieux : celui qui attend et qui espère celui qui ne savait penser qu'à soi.

« Au terme, tu seras jugé sur l'Amour » : Dieu veuille que notre vie n'en soit pas dépourvue !

Toutes ces affaires et ces responsabilités que nous évoquions ne sont-elles pas autant d'occasions de songer à d'autres, de nous préoccuper d'autre chose que d'intérêts, d'atteindre à « cette vérité de l'homme » qui n'est pas dans l'intelligence, l'autorité, le savoir-faire, mais dans cet amour qu'on donne (parce que Dieu nous a aimés le premier et qu'il nous a fait partager d'instinct cette capacité d'aimer).

Ceci suppose un certain détachement qui, finalement, est plutôt favorisé par l'exercice des grandes responsabilités.

Je crois avoir surpris avec quel style, au fond, M. Cangardel dirigeait une entreprise, menait une affaire : c'était en somme un problème à résoudre, une performance à accomplir ; mais là n'était pas son engagement profond.
Nous en avons la preuve dans ces responsabilités désintéressées, ces bienfaits qu'il prodiguait avec la gentillesse de sa race dans lesquels la main droite ignore ce que fait la main gauche ; dans son indifférence à l'égard d'une idole d'aujourd'hui : l'argent !

Ces souvenirs nous ramènent à notre évangile et à son témoignage, qui touche à l'essentiel : « La volonté de mon Père, c'est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés : mais que je les ressuscite tous, au dernier jour ! »

Le vrai message de vie, de libération : il est là.

Non pas de cette libération dont beaucoup rêvent : celle des contraintes économiques, ou sociales ; mais d'une entreprise combien plus difficile : la libération de nous-même ! Une entreprise devant laquelle nous sommes tous des « petits garçons ».

Dieu merci ! Parce que c'est là ce qui nous fait déposer notre personnage et nous ouvrir à la foi.

En un mot, prendre au sérieux l'assurance du Christ, que cette messe nous rappelle : « Tout homme qui voit le Fils et croit en lui obtient la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour ».

 

Mgr DERUMAUX Curé de l'église Saint-Augustin.

 

 

Source B-60, avril 1971.

 

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