Union Française Maritime - remorquage

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 "IROISE" sauvetage "VIGO"

Rapport de mer du Capitaine L. MALBERT, commandant du remorqueur " IROISE ".

s/s  " VIGO ".

 

Le 28 février 1927, étant en station d'assistance à BREST, j'ai reçu, à 8 h 30 du matin, un signal S.O.S. du vapeur italien "Vigo" signalant sa position par latitude 49° nord et longitude 5°50' ouest.

Appareillé aussitôt par une violente tempête de S.O remonté l'ancre Td dans la passe du port pour pouvoir manœuvrer avec plus de sûreté "tant drossé par le courant et la violence de la tempête".

Mis en route à 9 h 50, après une manœuvre de sortie très difficile et passé le goulet à 10 heures.

Dès l'appareillage, signalé par T.S.F. au "Vigo" que je me porte sur lui en forçant de vitesse et que j'espère le rencontrer Vers 1 6 heures.

Dès la sortie de la rade, l' "Iroise" est continuellement recouvert par la mer.

Nous continuons la route à 10 nœuds, la machine donnant le maximum, mais ne pouvant atteindre, en raison du temps, sa vitesse habituelle maximum de 12 nœuds.

Par le travers de SAINT-MATHIEU, à 11 h 30, décidé de faire route par le chenal du Four malgré les risques que cette décision comportait et en raison de l'insistance que mettait le "Vigo" à recevoir de toute urgence du secours. Pour exécuter cette manœuvre, l' "Iroise" vient en travers de la lame et est assailli par de violents paquets de mer dont l'un déplace les embarcations de leur poste, malgré un sérieux amarrage et qui ébranlent le navire dans toutes ses parties, cassant deux panneaux de la cale II que nous bouchons immédiatement à l'aide de planches et de prélarts supplémentaires.

Malgré le temps de plus en plus mauvais, continué la route. Le "Vigo" se tient en liaison presque constante avec nous et nous demande à 11 h 45 à quelle heure nous comptons être sur lui. Nous lui signalons à nouveau que si sa position est exacte, nous serons sur lui à 16 heures.

A 12 h 20, nous recevons une nouvelle position, qui place le "Vigo" par 48°50' nord et 5°50' ouest: gouverné sur la position indiquée.

Le vent devient de plus en plus fort en pleine tempête, un paquet de mer s'abat sur la claire voie et brise les carreaux. Obligé, en raison de cette avarie, de diminuer la vitesse de 10 tours pour réparer et offrir moins de prise aux lames.

Rencontré plusieurs navires en cape. Relevé le "Vigo" par goniomètre et modifié notre route en conséquence. Toujours appels pressants du "Vigo", non seulement pour nous mais pour tous les navires se trouvant dans les parages. La plupart disent qu'en raison de l'état de la mer ou d'avaries ils ne peuvent porter secours mais conseillent de prendre courage puisque l' "Iroise" approche.

Après de multiples difficultés de route, arrivé en vue du "Vigo" que nous trouvons à proximité d'un vapeur de la ROYAL MAIL auquel il avait demandé de rester près de lui jusqu'à notre arrivée.

Nous signalons au "Vigo" notre présence et lui disons qu'il peut remercier le vapeur de la ROYAL MAIL. Toutefois, nous ajoutons qu'en raison de la tempête et de la nuit, nous ne pourrions lui passer la remorque avant le jour qu'au risque d'une collision susceptible d'entraîner la perte des deux navires, "Vigo" et "Iroise" et qu'il était par conséquent préférable d'attendre.

Passé la nuit sur les lieux et vers 6 heures du matin, manœuvré en vue de passer la remorque.

La mer est toujours démontée et les deux navires sont complètement recouverts par les lames. Par radio, j’avais prié le Capitaine du "Vigo" de disposer sa chaîne pour pouvoir mailler dessus notre remorque, mais cette manœuvre ne peut être exécutée en raison des risques qu'elle comporte pour les hommes du "Vigo".

Passé sous le vent pour pouvoir envoyer par fusée la remorque; nos essais échouent en raison des embardées et du roulis des deux navires.

Pour plus de succès, passé au vent et envoyé une deuxième fusée qui manque le but.

Revenons sous le vent et enfin, à 8 heures une troisième tentative réussit et la remorque peut être tournée à bord du "Vigo", tant bien que mal en raison du temps. La longueur de remorque prise par le "Vigo" (environ 100 m) diminuant l'élasticité, la mise en route du convoi est très pénible et périlleuse et nous décidons de rester en cape pour attendre une embellie.

Mis en route à 12 heures, le "Vigo" embarde terriblement et nos manœuvres ne peuvent empêcher la remorque de casser à 13 heures.

Rentré le morceau de remorque cassé et signalé au "Vigo" de rentrer le sien pour que nous puissions lui en passer une nouvelle.

Pour faciliter l'opération, je suis obligé de faire route debout à la lame et empêcher de mauvais paquets de mer de nous causer de nouvelles avaries ou d'enlever les hommes à la manœuvre sur le pont.

Le "Vigo" envoie des signaux de détresse pour lui et pour l' "Iroise" qu'il croit dans une position critique. Notre poste de T.S.F. principal étant avarié en raison du mauvais temps nous ne pouvons démentir à OUESSANT ce S.O.S. et nous devons nous contenter de demander au "Vigo" à l'aide de notre poste auxiliaire, de ne pas s'affoler et de nous laisser faire.

Disposé la grosse remorque en fil d'acier et demandé au Capitaine du "Vigo" de préparer sa chaîne pour pouvoir la frapper dessus et augmenter ainsi la sécurité.

Le "Vigo" s'inquiétant toujours et se signalant à nouveau en détresse, je l'avise que je ne l'abandonnerai pas et j'insiste pour qu'il prépare sa chaîne.

La manœuvre est laborieuse et après bien des difficultés cette seconde remorque est passée à 17 heures et maillée sur la chaîne du "Vigo" qui doit sacrifier pour cela son ancre Bd avec une partie de la chaîne. Réussi à venir en route à 18 h 30.

Mis immédiatement le cap sur BREST.

Le "Vigo" ne gouvernant pas, fait de terribles embardées au point de venir à la hauteur de l' "Iroise". Son redressement étant impossible, le convoi doit reprendre la cape plusieurs fois.

Dans une embardée plus grande la remorque saute par-dessus la bitte de sécurité risquant de nous causer de graves avaries et de mettre l' "Iroise" dans une situation très délicate. Elle revient heureusement d'elle-même dans sa position primitive, mais le temps ne nous permettant pas de continuer la route, nous restons en cape jusqu'au lendemain matin.

Le 2 mars à 7 heures du matin, réussi à venir en route, le "Vigo" embarde continuellement et le convoi marche avec beaucoup de peine. A 11 heures les vents passent à l'ouest, le "Vigo" embarde de plus en plus. A 13 heures il vient complètement en travers et nous devons remettre en cape jusqu'à 14 h 35.

Remis en route mais repris la cape à 15 h 45 après avoir fait un tour d'horizon. A 17 heures remis en route à nouveau, la mer est un peu moins grosse, les embardées deviennent moins fortes et le convoi continue toute la nuit.

Le 3 mars, vers 1 heure du matin, la brise mollit, mais la mer est toujours grosse du N.O. fatigant énormément notre remorque qui continue à passer d'un bord à l'autre enlevant les plats bords de lisse et se coupant en deux endroits.

Fait route avec prudence pour éviter la rupture.

A 3 heures, aperçu le feu d'OUESSANT.

A 7 heures envoyé un radio à la Préfecture Maritime de BREST pour signaler notre position et demandant qu'un remorqueur de la D.P. vienne à notre rencontre pour faciliter le passage du goulet.

A 10 heures le pilote du CONQUET monte à bord du "Vigo".

Continué à faire route et à 13 heures le "Haleur" arrive à proximité du convoi et demande nos instructions. Je lui dis de prendre la remorque à Td, cette manœuvre est exécutée sans trop de difficultés mais malgré le concours du second remorqueur le "Vigo" continue à embarder sérieusement et à me donner des inquiétudes pour l'entrée en rade.

Celle-ci s'effectue à 16 h 30 et à 17 heures les remorques sont filées et le "Vigo" mouille en sécurité.

L'équipage du navire italien chante et nous remercie par des hourrah.

Rentré notre remorque et regagné le quai du 5e Bassin à 17 h 30...

Révision 2010-03-12

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