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Le "CAPITAINE PRIEUR" pendant la Guerre Une escale particulière par M. BLANC-VIAL
C'était en 1944. Le « Capitaine Prieur» se trouvait dans le port de commerce de Toulon, et depuis le mois de novembre 1942, il attendait des jours meilleurs. Entre temps d'ailleurs, il avait été déchargé de ses 4000 tonnes de charbon. Il avait été coulé au cours d'un des nombreux bombardements de la ville, et avait été renfloué. Ecarté du quai démoli, il se trouvait dans ce petit bassin du Mourillon, seul navire apparemment en état, au milieu de cet enchevêtrement de bateaux de la marine nationale qui reposaient tous sur le fond. C'est ainsi qu'au mois de mai, je posais pour la première fois mon pied et mon sac sur un bateau de la société. C'était également mon premier embarquement, et j'avais eu la chance insigne à cette époque, de trouver une place de garçon. Je commençais donc à faire mes pluches et mes cabines entre deux alertes. Huit jours après, j'étais maître d'hôtel par disparition du titulaire ; la carrière débutait bien ! Mon principal souci en dehors des bombardements, était le ravitaillement. Le marché de Toulon que l'on passait au peigne fin tous les matins à six heures, n'était pas très garni à cette époque. Aussi prenions nous souvent un petit train sympathique, qui nous emmenait dans la campagne en direction d'Hyères, et là nous parvenions à troquer quelques rations de pâtes alimentaires contre de précieuses pommes de terre.
Un jour, cela dura plus longtemps que l'habitude. Il y eu beaucoup plus de canonnade, et l'on réussit à savoir à la sortie que les alliés avaient débarqué du côté de Saint-Tropez. Ce fut aussi notre dernier retour à bord, car les soldats nous chassèrent rapidement, et nous nous retrouvâmes une nouvelle fois dans les abris. Tout l'équipage s'était dispersé selon ses notions de sauvegarde personnelle, et je me retrouvais avec le second Capitaine, dans les longs couloirs des fortifications de Vauban, plus connues par les habitants du quartier « chaud » de Toulon, sous le nom d' « abris de la porte d'Italie ».
Notre vie de taupe nous parut bien longue. Les quelques centaines de Toulonnais qui s'étaient entassés avec nous s'organisaient tant bien que mal. On ne manquait pas d'eau ; pour les vivres, chacun se débrouillait comme il pouvait, car il n'était pas question de mettre le nez dehors. Aussi étions nous l'objet de toute la considération de Madame Angèle et de ses anciennes pensionnaires ; personnages hauts en verve et en couleur, qui eurent le mérite de nous divertir avec leurs histoires pittoresques. Enfin les troupes du Général de Montsabert vinrent nous tirer de là. Nous nous retrouvâmes à peu près tous, devant un bateau à la fois incendié et coulé, une ville encore jonchée de cadavres. Cependant, une immense joie, un immense courage nous envahissaient : c'était la Libération ! Au bout de quelques jours, les trois principaux du bord trouvèrent le moyen de se loger chez un brave fournisseur qui avait quitté la ville, et comme j'étais dans le bon sillage, je fus admis à partager ce toit. C'était déjà du luxe ! Il y avait deux chambres, une salle à manger, une cuisine. Le Commandant prit la chambre d'enfant ; il dut prolonger le petit lit d'une caisse à savon, pour reposer ses pieds que sa haute stature poussait dans le vide. Le chef mécanicien prit le matelas du grand lit et s'organisa dans un coin de la salle à manger ; le second capitaine m'accepta avec lui sur le sommier ; l'installation était terminée. Le travail reprit rapidement sous l'énergique impulsion de la direction de Marseille, qui réussit à faire démarrer très vite les opérations de renflouement du navire. Après un premier essai malheureux, celui-ci se trouva à nouveau à flot, et sans être pour autant en état de naviguer, fut cependant le premier bateau renfloué en France. Il prit ensuite à la remorque le chemin de Marseille où il termina sa rénovation, et malgré ses vingt-cinq ans, il fit presque figure de « flagship » durant un certain temps à la Société. Pour moi, j'avais des fourmis dans les jambes, et quittant provisoirement la Compagnie, j'allais draguer les mines sous le pompon rouge de la Marine Nationale. Révision 2011-02-10
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