L' U.I.M. durant la W.W.II

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L'U.I.M. pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Le 1er septembre 1939, la mobilisation générale est décrétée. 

Le 3 septembre 1939, la guerre est déclarée.

 

Les mobilisables de la rue de Naples rejoignaient leurs corps respectifs. En novembre 1939, alors que je commandais une batterie de 75 contre avions, en Corse, je fus rappelé au ministère de la Marine Nationale au service de la flotte auxiliaire, et notre chef du service commercial, Maurice Laparra, à la Direction de la Flotte charbonnière, place de Fontenoy.

La flotte de la Société était réquisitionnée suivant les plans établis.

Les navires étaient pris en charge par la Marine Nationale ou la Marine Marchande, pour leur exploitation, mais la Société en gardait la gérance.

De plus, 22 navires étrangers, norvégiens, danois et grecs, affrétés par la Marine Marchande, nous étaient donnés en gérance. Ces prises en gérance par notre Société eurent lieu dans des conditions particulièrement délicates.

Nous étions avertis, par exemple, par un coup de téléphone de la Marine Marchande, qu'un navire, dont elle n'avait pas le nom, devait être pris en charge entre Anvers et Liverpool. Une ou deux heures après, on nous donnait le nom du navire et sa position. Il fallait immédiatement faire le nécessaire pour désigner, en Scandinavie, en Angleterre, en Belgique ou en Hollande, un représentant à l'effet de faire l'inventaire et la prise en charge. C'est dire que les formalités étaient réduites à leur strict minimum, mais notre embarras était souvent bien grand.

En dehors de ces 22 navires, deux caboteurs hollandais, achetés par le Gouvernement français, nous furent également confiés en gérance : le "Quiberon" et le "Richebourg". Le premier avait une portée en lourd de 1 500 T. et le second de 1 300 T.

Dès le début des hostilités, la Marine Nationale s'était rendu compte qu'elle manquait d'unités auxiliaires : patrouilleurs, dragueurs de mines, remorqueurs, etc., qu'elle devait se procurer à l'étranger. Mais le temps pressait, et il fallait faire vite.

Pour éviter les lenteurs administratives, la Marine nous demanda de lui trouver les navires en question, et de procéder, pour son compte, à leur achat.

Notre Société put ainsi acquérir des dizaines de remorqueurs et de chalutiers. Ces achats étaient faits officiellement pour son propre compte, mais ils étaient repassés immédiatement à la Marine Nationale. Les marchés avec cette administration se faisaient sur parole et n'étaient régularisés que plusieurs semaines après.

En septembre 1939, nous prîmes la décision de mettre notre personnel sédentaire à l'abri des bombardements et de l'envoyer à Saint-Nazaire.

Seules quelques personnes restèrent à Paris pour garder la liaison avec le ministère. Les "évacués" revinrent d'ailleurs en janvier 1940.

Quand, le 10 mai 1940, l'offensive foudroyante des Allemands se déclencha, le ministère de la Marine Marchande demanda aux compagnies de navigation, de prendre d'urgence les mesures nécessaires pour l'envoi, en province, du personnel et de leurs archives.

Il était entendu que le départ ne devait avoir lieu que sur ordre écrit du ministre de la Marine Marchande. Le samedi 8 juin, dans la soirée, cet ordre fut donné au Comité des Armateurs qui le transmit immédiatement à tous ses adhérents.

Le dimanche matin 9 juin, toutes les dispositions étaient prises pour le départ dès le lundi 10 juin. La plus grande partie du personnel devait quitter Paris ce même jour par le train, les autres dans la voiture de la Société, vieille "Talbot" qui n'avait plus d'âge et qui marchait quand elle le voulait.

Le lundi matin, à plusieurs reprises, nous reçûmes des instructions de la Marine Marchande de hâter le départ. A midi, la rue de Naples était vide. Il ne restait que notre fidèle garçon de bureau M. Hêtre, qui n'avait pas voulu quitter Paris, et un de nos collaborateurs malade à l'hôpital, M. Gaumé. Ce dernier devait mourir en juin 1940, à Paris.

Une partie du personnel s'installa à Saint-Nazaire, l'autre partie à Nantes, où elle fut recueillie momentanément par des collègues qui montrèrent à cette occasion des sentiments de très grande camaraderie, ce dont nous fûmes extrêmement touchés.

Quelques semaines après l'armistice, nous pûmes regagner Paris et nous installer à nouveau rue de Naples.

Notre vie à Paris pendant cinq longues années, fut celle de tous ceux soumis au régime de l'occupation allemande.

Nous eûmes la possibilité de procurer des embarquements fictifs à des jeunes menacés d'être envoyés au travail obligatoire en Allemagne.

Nous eûmes la douleur de perdre, pendant la guerre, un de nos administrateurs, M. Gruner, mort en déportation.

Deux de nos officiers tombèrent au champ d'honneur. Ils étaient entrés dans les réseaux de résistance. L'officier radio Bonnetain, rescapé du "Capitaine Augustin", et un jeune lieutenant au long cours, Lesec, fusillé avec douze de ses camarades à la citadelle d'Amiens.

Le bilan des pertes subies au cours de la première phase de la guerre était lourd:

- Le "Capitaine Augustin" avait sauté sur une mine sur la côte est d'Angleterre, le 17 mars 1940, entraînant la mort de deux marins.

- Le "Quiberon", qui nous avait été donné en gérance disparut sur les côtes anglaises avec son commandant, le capitaine Arsène Guillevic et tout son équipage, peu de temps avant l'armistice.

- Le "Dalila", en réparation à l'arsenal de Cherbourg, fut sabordé le 19 juin 1940; renfloué par les allemands, il fut ensuite coulé en opérations pour compte ennemi.

- Quatre autres navires qui se trouvaient dans les ports anglais furent réquisitionnés par l'amirauté britannique, et poursuivirent leur exploitation sous contrôle allié : "Ostrevent", "Henri Mory", "Dorine" et "Enseigne Marie Saint Germain". Le "Henri Mory", coulé en convoi en mai 1941 ne devait pas revoir la France.

Pendant l'occupation, l'activité du siège social, réduite à la suite du transfert à l'agence de Marseille de l'exploitation, fut limitée à des tâches de liaison avec la Marine Marchande, et orienta son action sur l'étude de l'avenir; un très important travail fut réalisé en collaboration avec le Comité Central des Armateurs de France, concernant particulièrement les projets de navires à prévoir à la fin des hostilités, en accord avec l'Etat; il parut indispensable d'établir un programme d'ensemble, de façon à pouvoir, le moment venu, mettre en chantier une flotte, non pas disparate, mais correspondant à l'ensemble des desiderata des différents groupes d'armateurs. Plusieurs commissions furent créées, auxquelles notre société participa. Je fus notamment chargé, au nom de l'U.I.M., de coordonner les projets de reconstruction de l'Armement Charbonnier; des spécifications sommaires furent rédigées, et une échelle des tonnages souhaités établie, en accord avec les armateurs intéressés. Ce travail fut très utile, car dès la Libération, des pourparlers purent être immédiatement engagés, et des contrats de construction conclus sans aucune perte de temps, grâce à l'action du Directeur du Matériel naval à la Marine Marchande de l'époque, M. Courau, aujourd'hui membre du Conseil de Surveillance de l'Union Industrielle et Maritime.

Sur le plan social, il était nécessaire de se préoccuper du sort de nos officiers et marins privés d'embarquement. Une première solution consista à établir un roulement pour le personnel nécessaire à l'exploitation de la flotte transférée en Méditerranée; des "indemnités réduites" furent allouées au personnel en chômage; en outre, nous aidions les familles de nos officiers et marins restés en Angleterre, sous contrôle allié.

Mais en juin 1944, à la suite du débarquement en Normandie, nous eûmes la crainte de ne pouvoir assurer ces indemnités ou secours, par suite de l'isolement à prévoir de la Bretagne; des correspondants, anciens officiers pour la plupart, furent désignés, et malgré un certain nombre de difficultés, les fonds leur furent transférés pour leur permettre de ne pas laisser les familles de nos équipages dans le besoin.

 

La Société s'est transformée en Société à Responsabilité Limitée, fin décembre 1940, et les gérants ont été Maurice Fougère, entouré successivement de Pierre-Edouard Cangardel, Maurice Cangardel et enfin Henri Cangardel, la Société ayant ainsi en 1953 quatre gérants et deux directeurs, Maurice Laparra et moi-même.

Le Conseil de Surveillance, sous la présidence de M. Henri Cangardel, avait dans cet intervalle regroupé les anciens administrateurs de la Société.

 

AGENCE DE Marseille

 

En novembre 1940, la ligne de démarcation qui divisait la France, rendait difficile le contrôle de l'exploitation des navires de l'U.I.M. en Méditerranée affrétés par les Transports Maritimes. Cela nous amena à créer une agence à Marseille pour nous occuper des unités suivantes : "Divona", "janvierine", "Gabriel Guist'Hau", "Chef Mécanicien Armand Blanc", "Capitaine Prieur", "Capitaine Le Diabat" et "Richebourg", ce dernier en gérance.

M. Léon Prévost, collaborateur de la Maison depuis 1922, aidé par Roger Bouilhol, fut désigné pour diriger provisoirement ce bureau, ce qu'il fit à notre entière satisfaction.

M. Pearce, qui était l'adjoint de notre courtier maritime de Rouen, M. Taconet, et dont toute l'U.I.M. appréciait la grande expérience, rejoignit l'agence en 1942 et remplaça ensuite M. Prévost, rappelé à Paris.

M. Pierre-Edouard Cangardel avait rejoint l'agence après sa démobilisation, et participa activement à son fonctionnement de janvier 1941 à novembre 1942.

Les navires étaient utilisés pour assurer les liaisons avec l'Afrique du Nord, le Maroc et le Sénégal; les officiers et les équipages dispersés avaient pu être regroupés; l'entretien et les réparations posaient de gros problèmes, dûs à la pénurie de matières et d'approvisionnements; la surveillance de la construction du "Paul de Rousiers", commandé en 1939 aux Chantiers de Provence, était assurée par M. Leplus ; M. Delmas, spécialiste des appareils à vapeur, nous apporta son concours en juin 1942.

En 1941, le 21 octobre, le "Divona" "fut bombardé sur les côtes tunisiennes, par des avions anglais : 8 hommes d'équipage furent tués et 4 blessés. Remorqué à Bizerte, les machines du "Divona" furent déposées à l'arsenal. Il était presque remis en état lorsque la coque fut sabordée par les Allemands lors du débarquement allié en novembre 1942.

A cette date, l'occupation de la zone sud provoqua de graves préoccupations à notre agence : le "Capitaine Le Diabat" et le "Chef Mécanicien Armand Blanc", durent être livrés aux allemands, en vertu de l'application de l'accord Laval-Kaufman. Le "Capitaine Le Diabat" fut, croyons-nous, coulé à l'entrée du port de Gênes; le "Chef Mécanicien Armand Blanc" fut retrouvé, après la fin de la guerre, sous forme de ponton de débarquement dans le port de Livourne.

Le "Capitaine-Prieur" se trouvait à Toulon lors de l'arrivée des troupes allemandes, mais ne fit pas partie des navires devant être livrés; immobilisé, il fut bombardé et coulé deux fois par les bombardements alliés, puis sabordé par les Allemands lors du débarquement de la première Armée Française en août 1944.

En dehors de son activité traditionnellement maritime, l'U.l.M. fut, au début de 1942, amenée à prendre des intérêts dans une affaire de mines de charbon, située à Osani (Corse), ces mines pouvant offrir des ressources intéressantes d'énergie dans une période où le combustible était rare, et assurer un trafic à notre flotte charbonnière. Notre capitaine d'armement à Marseille, le commandant Bernardi, fut envoyé le 18 décembre 1942 à Osani, avec deux marins de l'U.I.M., Colin et Maruenda, et un chef porion, M. Petit. Quelques mois après leur arrivée en Corse, M. Bernardi et son équipe furent arrêtés par les Italiens, à la suite d'une dénonciation, et envoyés en déportation en Autriche. Seuls MM. Bernardi et Maruenda rentrèrent en France, très éprouvés. Quant à Colin, il mourut de souffrances et de privations en déportation.

 

L'U.I.M. EN ALGERIE

 

Le jour du débarquement des alliés en Algérie, nous avions au port le "Paul de Rousiers", qui faisait son premier voyage. A bord, était notre ingénieur M. Louis Delmas.

Immobilisé à Alger, M. Delmas fut naturellement désigné par M. Pierre-Edouard Cangardel, alors en stage au Cap Matifou, dans le cadre de la corporation maritime, puis mobilisé aux Transports Maritimes, pour diriger notre société. Ce choix fut d'ailleurs ratifié par un arrêté du gouvernement d'Alger.

Un an après, M. P.-E. Cangardel quittait la direction des Transports Maritimes en Afrique pour reprendre du service actif, et était désigné comme commissaire adjoint du "Richelieu ".

M. Delmas, nouveau venu à la société, montra à Alger, pendant deux ans, un esprit d'initiative et un dévouement auxquels il faut rendre hommage. Il eut il faire face à une lourde tâche, ayant la direction, l'exploitation et l'armement des cinq navires de la société qui se trouvaient en Afrique du Nord et en A.O.F.

Il fut très secondé par le commandant Hieronimus, devenu capitaine d'armement de l'agence en mai 1943, et par M. Bondu, notre ancien collègue de la rue de Naples, alors directeur de la Compagnie Générale Transatlantique à Alger.

Lors du débarquement, le 8 novembre 1942, nous avions le "Paul de Rousiers" à Alger, "janvierine" à Bougie, le "Capitaine Saint Martin" à Oran où il avait été sabordé à l'entrée de la passe par ordre de l'Amirauté, le "Gabriel Guist'Hau" à Dakar, le "Richebourg" à Casablanca et le "Divona" en réparations à Bizerte, mais ce dernier ne put jamais être récupéré.

Que dire de cette période qui dura jusqu'en janvier 1945 ? Il serait trop fastidieux d'en donner tous les détails, mais avec un personnel et des moyens réduits, il fallut :

- Armer, faire naviguer et entretenir péniblement les navires,

- Réparer "janvierine" qui, sous le commandement de Lavuec, secondé par le chef-mécanicien Mouellic et le second capitaine Le Goff, avait subi des avaries lors du débarquement allié à Bougie.

- Renflouer et remettre en état de navigation le "Capitaine Saint Martin" à Oran puis en Angleterre, avec l'aide des commandants Aillet et Lavuec, ainsi que du chef-mécanicien Pidery qui s'était arrangé pour minimiser les dégâts lors du sabordage.

- Réparer les avaries par abordage du "Paul de Rousiers", commandant Hieronimus, chef-mécanicien Ordureau, second capitaine Barbu.

- Réparer de gros dégâts occasionnés au "Richebourg", lors d'un abordage.

M. Delmas ne revint en France qu'après la Libération, en 1945, sa mission étant accomplie.

 

Souvenirs Charles POURCHER, Directeur général U.I.M.

 

LES NAVIRES EN GUERRE. Convois et opérations.

 

Révision 2012-08-18

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