L'INCENDIE DU QUATRE-MATS ÉCOLE FRANÇAIS « RICHELIEU » A BALTIMORE Le bateau se trouvait dans la baie de Curtiss lorsque l'explosion s'est produite. Il était arrivé à Baltimore le 16 décembre, venant de Brest, sur lest, pour prendre un chargement de brai à destination de Lorient. D'après le télégramme suivant adressé par le capitaine Cornec, commandant le Richelieu, adressé à la Compagnie des Armateurs Français dont le siège se trouve à Paris, 36. rue de Naples, il n'y aurait aucune victime :
Richelieu en feu pendant chargement. Capitaine, officiers, élèves sains et saufs. Considère état comme très grave. donnerai détails demain. Signé: Cornec.
D'après un télégramme particulier, cette bonne nouvelle est confirmée : Lorient, 5 janvier. M. Degoul, directeur de la revue le Clocher Breton, a reçu de son fils, le docteur Degoul, appartenant au service de santé de la marine un cablogramme signalant qu'il est indemne ainsi que tout l'état major et les élèves du navire école Richelieu.
Ces deux dépêches ne parlent pas de l'équipage, mais il est à espérer que les premières nouvelles reçues dans la nuit, d'après lesquelles il y aurait eu des victimes parmi les hommes de l'équipage; ne sont pas exactes. Une dépêche Havas annonçait que 23 personnes avaient été blessées et que l'on comptait quelques disparus.
Paris, 5 janvier. Les services de la marine marchande au Ministère des Travaux Publics ont câblé au consul de Philadelphie pour avoir des détails, mais on espère pas avoir de renseignements précis, par cette voie, avant demain. A la Compagnie des Armateurs Français, on n'avait reçu, dans la soirée, aucun nouveau télégramme.
Après la catastrophe Paris, 6 janvier 1927. Un représentant à Brest de l'Union Française Maritime, filiale de Société Générale d'Armement, filiale elle même de la Compagnie des Armateurs Français, a reçu du siège de cette Société à Paris, un télégramme confirmant qu'il n'y avait aucune victime à bord du "Richelieu". Les familles de l'équipage du voilier vont être ainsi pleinement rassurés. Elles s'étaient présentées, la veille, à l'inscription maritime du port de Commerce, mais on n'avait pu leur donner le moindre renseignement. Hier matin, huit personnes sont revenues, volant savoir à tout prix si les membres de l'équipage étaient saufs, mais l'aimable officier d'administration principal remplaçant l'administrateur alité, ne put que lever les bras au ciel d'un geste d'impuissance. (Ouest-Eclair, 1927-01-07).
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L'incendie de ce beau navire, au wharf de Curtis-Bay, le 4 janvier 1927, montre de façon saisissante combien les incendies sont difficiles à combattre sur un bâtiment de mer, même dans le port. Le Richelieu était parti de Brest le 7 novembre à 2 h. du matin. Il avait été remorqué jusqu'à 100 milles de Brest par le remorqueur Iroise. Son voyage devait durer 65 jours. A Baltimore, le 4 janvier 1927, alors qu'il se trouvait au quai de la Baltimore and Ohio Railroad Cie, à Curtis Bay, le bateau école complétait son chargement d'asphalte en vrac et de brai qu'il devait transporter à Lorient pour être utilisé dans une manufacture de briquettes. La compagnie de chemin de fer était chargée d'embarquer la cargaison, en qualité d'arrimeur; pour cela elle utilisait des appareils électriques quand , à la tombée du jour, un court-circuit se produisit dans l'installation électrique à bord. Une explosion se produisit mettant le feu au brai déjà embarqué. Elle se serait produite à bord, dans la cale n°3, alors qu'il avait déjà embarqué 3.300 tonnes de brai. L'ébranlement fut formidable ; les panneaux sautèrent, une immense lueur entoura le navire. En quelques secondes, toutes les cales, de l'avant à l'arrière, furent en feu et les panneaux béants vomirent des flammes immenses, embrasant tout le bateau. En moins de cinq minutes le "Richelieu" fut la proie des flammes. Le feu se développa très rapidement. Il y avait à peine dix minutes que les hommes de équipage et les officiers qui s'occupaient du chargement venaient de monter sur le pont. Certains furent projetés plus ou moins loin; d'autres se jetèrent dans des chalands amarrés le long du bord; mais tout le monde se releva sans blessure grave et, sur l'ordre du commandant Cornec, le navire fut évacué en hâte, sans qu'aucune tentative de sauvetage du matériel ne put être tentée. Cinq des dockers restés dans les soutes ont disparu et ont probablement été brûlés vifs, d'autres eurent tout juste le temps de fuir; quelques-uns, avec leurs vêtements en feu, vinrent s'abattre sur le quai. Les secours furent immédiatement organisés : le médecin du bord, le docteur Degoul et les ambulanciers, accourus en hâte, prodiguèrent leurs soins aux blessés. L'état major, les élèves officiers et l'équipage purent quitter le bord et il n'y eut aucune victime parmi eux. Par contre, parmi les dockers de la Baltimore and Ohio Railroad Cie, trois furent tués et trente blessés. (d'après une autre source, deux hommes furent sérieusement blessés et trente-deux mis hors service). Malgré la promptitude des pompiers, amenés en hâte de Baltimore, avec six puissantes pompes et de nombreux extincteurs, leurs efforts pour maîtriser l'incendie demeurèrent inutiles. L'incendie dura toute la nuit ; les tôles de bord, devenues rouges au contact du brasier se disjoignirent, laissant l'eau entrer à flots dans les cales et le voilier se coucha à l'opposé du wharf, ses panneaux à demi submergés. Il coula le long du quai de chargement. En peu de temps, le "Richelieu" ne fut plus qu'une épave calcinée et qui bientôt sombra. Le chargement continua à brûler dans les parties émergeant encOregon Le 21 janvier, on pouvait lire dans la presse : D'après l'enquête qui se poursuit à Baltimore, il semblerait que l'explosion du "Richelieu" soit due à une inflammation des poussières de brai pendant le chargement, inflammation causée par un court circuit. Trois ouvriers américains périrent et une trentaine furent blessés Le docteur Degoul, médecin du bord, fut le premier à porter secours aux victimes. On ne procédera pas au renflouement du "Richelieu", les entreprises américaines demandant pour cette opération une somme trop élevée, 7 millions de francs français, dit-on. (Ouest-Eclair, 1927-01-21). Par la suite l'épave fut renflouée. Le "Richelieu" fut relevé après quinze jours d'efforts, mais l'intérieur entièrement détruit et la coque gravement avariée, les tôles déformées, les épontilles, membrures, et tous les accessoires hors d'usage, il fut déclaré irréparable. L'épave vendue pour 3000 $, la coque fut utilisée comme barge puis démolie en 1933 à BaltimOregon La compagnie ferroviaire fut jugée coupable de négligences. Avec le "Richelieu" disparaissait un précieux navire-école dont il faut regretter, même de nos jours de ne plus avoir l'équivalent dans notre Marine Marchande.
Sources : Archives et publications UIM. Presse de l'époque, Ouest-Eclair 6, 7 , 18, 21 janvier, 6 févier 1927. L'incendie du Richelieu, Lestonnat Raymond, L'Illustration n° 4377, 22 janvier 1927. Louis Lacroix, Les derniers pilotins de la voile, les voiliers écoles du milieu du XIXè siècle à nos jours. Pacteau, Luçon, 1952. Journal de la Marine Marchande, n° 409, 3 février 1927. La Perte du Richelieu, Revue bleue: politique et littéraire, G. Baillière, article: n° 7 - 1927, p. 127. Revue de droit maritime comparé, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1931. p.p.342-343. et vol. 30-1934. American Maritime Cases, Maritime Law Association of the United States, Association of Average Adjusters of the United States, American Maritime Cases, Inc., 1931, vol. 1, p. 721. Supreme Court Reporter, Robert Desty, United States Supreme Court, West Publishing Company, West Pub. Co., 1932, vol. 52, p. 9. United States Supreme Court reports, United States. Supreme Court, Lawyers Co-operative Publishing Company, Walter Malins Rose, Lawyers Co-operative Pub. Co., 1932, vol. 76, p. 530.
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