Liquidation de la flotte d'état

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La Société : Les Armateurs Français.

Une réunion pour l'attribution du tonnage issu des accords Maclay-Clementel (novembre 1918, le Gouvernement de Grande-Bretagne autorise la vente à des français de 500.000 tonnes de navires anglais) a lieu en juin 1919.

Il s'agit de 42 navires en acier construits au Canada, Etats-Unis, Grande Bretagne, Japon, Hong-Kong et de 7 navires en bois.

Les navires proposés non pris par les armateurs seront formés en flotte d'état avec le reste du tonnage cédé par l'Angleterre. Pour compenser les pertes subies durant la Première Guerre Mondiale, les armements avaient reçu entre autres, 13 navires aux caractéristiques périmées, dont 6 en acier de type War construits au canada et un à Osaka en 1918; 7 vapeurs War en bois du type Prévots de Paris construits au Canada en 1918.

Treize des plus grands armateurs de Compagnies Françaises de navigation n'en voulant pas dans leur propre flotte, se regroupèrent et constituèrent le 13 août 1919 un consortium maritime, la société anonyme de navigation Les Armateurs Français, société à l'origine de l' U.I.M., qui en assura la gestion.

La société est constituée au capital de 10 millions réparti en 20.000 actions de 500 F.

Son conseil qui représente les 13 armements attributaires du tonnage britannique, est ainsi composé :

Président : M. Dal Piaz (Compagnie Générale Transatlantique) Vice-Président : M. Desprez (Compagnie Auxiliaire de Navigation) - Administrateurs : MM. Beraud (Compagnie Nantaise de Navigation à Vapeur), Breton (Compagnie des Chargeurs Réunis), Cyprien-Fabre (Compagnie Française de Navigation à Vapeur), de la Gardière, (Société Française d'Armement), Gravier (Compagnie de Navigation Mixte), Hogrel (Société Maritime et Commerciale du Pacifique) Lannes (Compagnie Générale d'Armements Maritimes), Loewe (Maison Louis-Dreyfus et Cie), Philippar (Compagnie des Messageries Maritimes), Charles Robert (Société Maritime Nationale), Stern (Société Les Affréteurs Réunis et Cie des Vapeurs Français).

Le secrétariat du conseil est assuré par M. Jacques d'Anglejan, secrétaire du conseil d'administration des Messageries Maritimes.

C'est à l'initiative de M. John Dal Piaz, administrateur directeur général de la Compagnie Générale Transatlantique et avec l'accord unanime du conseil, qu'il est décidé de faire appel à Henri Cangardel pour la direction de la société.

La société commence par s'installer dans un bureau prêté par le Comité Central des Armateurs de France, 73, boulevard Haussmann, avec en tout et pour tout une secrétaire également détachée du C.C.A.F. Il s'agit, en effet, de fonctionner "au plus juste" avec des charges réduites au strict minimum.

Peu après, cependant, Henri Cangardel fait appel à plusieurs collaborateurs qu'il charge : de l'exploitation (M. Eugène Peineau), de la comptabilité (M. Arthur Gillet), des fonctions de capitaine d'armement (M. Lacroix qui devait aller prendre livraison des navires en Angleterre) et de celles de mécanicien d'armement (M. Auguste Quibeuf). La société fait appel pour soigner les assurances de sa flotte à un courtier juré qui débute lui aussi, dans la profession, M. Louis Boistel.

Le bureau du boulevard Haussmann ne pouvant abriter ce "nombreux" personnel, la société s'installe dans un appartement de 3 pièces mis à sa disposition par les Messageries Maritimes dans leur immeuble, 6, rue Vignon.

L'exploitation de la flotte des 13 navires indésirables livrés par l'Angleterre apparaît comme une véritable gageure quand on se souvient des conditions de leur cession. Leur prix — £ 1.610.000 pour 45.000 tonnes d.w. au total — correspond à £ 40 la tonne, en comprenant les frais de transfert sous pavillon français, ce qui est très lourd.

A cela s'ajoute l'incidence des conditions de règlement qui ont été les suivantes :

— 10 % payables à la signature du contrat de cession,

— 40 % payables à la livraison,

— le solde du règlement échelonné jusqu'au 17 juin 1923, c'est-à-dire 4 ans après la date de livraison du dernier navire.

Dès la constitution de la société le conseil résolut de procéder à un emprunt bancaire avec la garantie hypothécaire des bateaux et la caution des armements intéressés à la société. A ce moment, les armateurs se divisèrent en deux groupes :

— les uns, au nombre de 3 : la Société Maritime Nationale, la Maison Louis Dreyfus et Cie, la Compagnie Française de Navigation à Vapeur (Cyprien-Fabre) décidèrent de verser leur quote-part au fur et à mesure des paiements restant à faire au Gouvernement anglais.

— les autres donnant leur garantie, soit pour les crédits en £, soit pour les crédits en francs, correspondant au montant de l'emprunt.

La société des "Treize navires inexploitables" trouva sa place sur le marché du tramping du charbon.

 

La Flotte d'Etat.

Les ravages de la guerre ayant causé des pertes énormes, on crut que le tonnage allait manquer. Il fallait en acheter ou en construire. M. Tardieu fut envoyé aux Etats-Unis pour y négocier la construction rapide d'une flotte en bois dont les premières unités, livrées en 1918, constituèrent le noyau de la flotte d'état.

Les arsenaux de Cherbourg, de Brest et de Lorient reçurent la commande d'une série de cargos, les "Marie-Louise", et de quelques paquebots.

La flotte Tardieu arrivait d'Amérique avec une régularité désastreuse ;  dès 1920, une centaine de ces navires, la plupart demeurés sans usage, encombraient déjà nos ports : vapeurs de 3.000 tonnes et barges de 1.500 tonnes dont les coques en bois vert étaient  déjà disjointes. Les "Marie-Louise" commençaient à sortir des arsenaux, et les "Brésiliens" restaient encore de coûteux parasites. (Ch. Rolny).

 

Les Armateurs Français sont chargés de réaliser une opération de liquidation de la flotte avec le tonnage provenant des Accords Maclay/Clémentel.

Le 12 mai 1921, le conseil d'administration du Comité Central des Armateurs de France, sur l'initiative de M. Félix Roussel, président de la Compagnie des Messageries Maritimes, et avec l'appui de M. John Dal Piaz, donne mandat à la Société anonyme de Navigation Les Armateurs Français, au nom de l'armement, de présenter un projet de liquidation de la flotte d'État.

Il faut distinguer trois grandes catégories de navires, provenant de trois sources différentes :

  • les achats et constructions effectués par l'État lui-même,

  • les navires administrés par divers services publics : Ravitaillement, Bureau national des Charbons, Marine Militaire, Essences et combustibles,

  • les navires ex-ennemis.

1° LES ACHATS ET CONSTRUCTIONS EFFECTUÉS PAR L'ÉTAT.

A) En provenance de l'étranger :

Il s'agit de tout un ensemble de navires en bois commandés en Amérique pendant la guerre, à savoir :

  • 40 schooners de 3.000 tonnes d.w. à moteur auxiliaire;

  • 6 schooners dits de "Terre Neuve" pour la surveillance de la pêche;

  • 20 vapeurs de 3.300 tonnes d.w. commandés au Canada en 1918;

  • 52 auto-chalands du type "Anderson", de 1.500 tonnes d.w.,

  • 3 vapeurs divers.

Il s'agit ensuite de navires en acier de provenance américaine et japonaise, au nombre de 15, de types variés, allant de 2.300 à 7.800 tonnes d.w. dont 5 vapeurs dits "Leparmentier" de 4.200 tonnes d.w. qui avaient été commandés directement par le Commissariat aux Transports Maritimes, construits aux chantiers Foudation Co. de New Orléans, "Poinceau", "Lagrange", "Poncelet", Cauchy", "Laplace".

Dans l'ensemble ce matériel est de qualité très médiocre.

Les schooners en bois, bien qu'ayant la première cote au Veritas étaient mal calfatés, au mastic, construits en bois vert, avec des voilures mal disposées, et des chaudières aux tubulures défectueuses. Les mêmes inconvénients se retrouvaient pour les auto-chalands. Les autres vapeurs en bois étaient meilleurs, équipés de treuils et de mâts de charge convenables, avec de grands panneaux, mais il fallut remplacer leurs gouvernails en bois par des gouvernails en acier.

L'utilisation de tous les navires en bois s'avéra extrêmement difficile : outre leur faible vitesse, une consommation élevée en combustible, les avaries de machines fréquentes, la moindre avarie de coque entraînait le passage en cale sèche et un recalfatage complet qui immobilisait le navire pendant de longues semaines et le dépréciait considérablement au point de vue de l'assurance.

Les navires en acier, provenant du Japon et d'Amérique sont également médiocres au point de vue des machines et des chaudières mais, cependant, d'une bien meilleure utilisation que les navires en bois... exception faite des 5 vapeurs "Leparmentier" qui réputés insubmersibles et inchavirables coûtèrent extrêmement cher du fait que leur construction s'éternisa et se révélèrent parfaitement inutilisables à la mer, n'ayant pu qu'être aménagés en citernes à ancrer dans les ports ou les rivières.

B) En provenance des chantiers français.

Le service des constructions navales, créé auprès du sous-secrétariat d'État à la Marine marchande en juillet 1917 avait fait porter son effort sur deux types de navires standardisés :

  • les "Gharbs", petits cargos charbonniers de 1.440 tonnes d.w. dont 26 unités, totalisant 27.000 tonnes de jauge brute et 36.000 tonnes d.w. furent mises en service.

  • les "Marie-Louise", charbonniers moyens de 3.000 tonnes d.w. dont 22 unités totalisant 47.740 tonnes J.B. et 68.000 tonnes d.w. furent mis en service.

Il avait commandé en outre :

  • 5 cargos divers de 4.500 tonnes à 7.000 tonnes d.w.;

  • 4 paquebots type "Mustapha";

  • 4 paquebots type "Duc d'Aumale" destinés aux lignes d'Algérie/Tunisie et qui devinrent les "Gouverneurs Généraux";

  • 102 chalands en béton armé — dont 36 seulement entrèrent en service, les autres contrats ayant pu être résiliés;

  • 24 remorqueurs de haute mer.

Il faut encore mentionner, pour les ajouter à cette liste, 24 vapeurs charbonniers commandés par M. Loucheur, comme ministre de la Reconstruction Industrielle, sur les fonds du compte spécial des Chemins de Fer de l'État pour 130.000 tonnes d.w.

Sur le plan de la qualité ce matériel d'origine française est meilleur dans l'ensemble, encore que les inconvénients des "Gharb" et des "Marie-Louise" fussent nombreux.

Au total, la flotte achetée ou construite sur le compte des Transports Maritimes - Section B - pour les services de l'Etat, totalise :

  • pour le tonnage en bois............ 274.000 tonnes d.w.

  • pour le tonnage en acier............ 692.000 tonnes d.w.

2° LES NAVIRES ADMINISTRÉS PAR DIVERS SERVICES PUBLICS.

Ils comprennent les flottes constituées antérieurement à la réquisition générale de 1918 par un certain nombre d'organismes tels que le Ravitaillement, la Marine militaire et les Travaux Publics. Ce sont des flottes spéciales qui sont en fait incorporées à la flotte d'État tout en ayant une administration indépendante.

La "flotte du Ravitaillement", pour sa part, comportait en dernier lieu

  • 17 navires (pour 108.000 tonnes d.w.)

  • 3 chalands

  • 1 remorqueur

Navires achetés par la Compagnie Hudson Bay avec la garantie financière du Gouvernement français.

 

La "flotte de la Marine militaire", résultant de prises ou d'achats se composait de :

  • 2 paquebots pour 12.000 tonnes jb

  • 17 cargos divers pour 51.500 tonnes dw

  • 2 voiliers long-courriers,

  • 8 remorqueurs

  • 5 chalands

  • 1 cargo frigorifique du Ministère de la Guerre.

La flotte du "Bureau National des Charbons", confiée en gérance à la Société Maritime Nationale, comprenait :

  • La flotte dite de l'Atlantique, soit : 12 navires, 5 chalands, 4 remorqueurs.

  • La flotte dite de la Méditerranée, soit : 8 navires, 4 chalands, 7 remorqueurs.

3° LES NAVIRES EX-ENNEMIS

Ils entrent dans la flotte d'État, bien que ne lui ayant été livrés qu'en gérance, et correspondent au tonnage ex-ennemi attribué à la France par le traité de Paix,

  • soit 100.000 tonnes jb de paquebots

  • et 380.000 tonnes dw de cargos.

Telle est en gros la composition de la flotte d'État sur le sort de laquelle il va falloir bientôt statuer, dans le nouveau contexte d'une économie de paix.

Liste des navires à liquider :

Liste établie début 1921  :

Navires existants, 371 unités.

  • 156 vapeurs acier,

  • 29 chalands acier,

  • 33 voiliers ex-ennemis,

  • 116 navires en bois,

  • 27 remorqueurs,

  • 20 chalands en ciment armé.

Tonnage en construction : 73 unités.

  • 42 vapeurs acier dont 8 paquebots,

  • 14 chalands ciment armé,

  • 17 remorqueurs,

soit 444 unités, ramenées à 428 du fait des pertes et ventes anticipées.

LA CONVENTION DU 23 NOVEMBRE 1921

LA CONVENTION DU 26 JUIN 1922

 Sources : Henri Cangardel armateur, Charles Offrey, Presse d'époque, Ouest-Eclair. Gallica, Archives nationales.

Révision 2011-01-20

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