Henri CANGARDEL Et l'Académie de Marine
L'Académie Française a été fondée en 1635, celles des Inscriptions et Belles Lettres en 1663, celle des Sciences en 1666, la quatrième en date, l'Académie de Marine, un peu moins de cent plus tard, exactement en 1752. C'est dire son ancienneté. En 1771, elle fut affiliée à l'Académie des Sciences, le roi ayant décidé d'unir en certains domaines la théorie (Académie des Sciences et la pratique (Académie de Marine). Quels étaient ces domaines ? La géographie, la cartologie, l'hydrographie, la création et la mise au point des horloges et boussoles marines, la détermination à la mer des longitudes, la fonderie et le forage des canons, la lutte contre les épidémies qui décimaient les équipages... La deuxième moitié du XVIIIe siècle vit alors un essor remarquable des techniques maritimes. Vint la Révolution. Le 8 août 1793, un décret de la Convention nationale rendu sur le rapport de l'abbé Grégoire supprima toutes les Académies. On se rendit bientôt compte du caractère excessif d'une mesure aussi brutale. Aussi bien, sous le Directoire fût créé l'Institut qui regroupa quelques anciennes Académies. Malheureusement l'Académie de Marine ne fût pas incluse dans cette réorganisation. Tout au long du XIXe siècle, il fut question de reconstituer l'Académie de Marine, maints projets furent élaborés aucun n'aboutit.
Il fallut attendre 1921. Avec l'appui chaleureux
de hautes personnalités maritimes au premier rang desquelles figuraient l'Amiral
Lacaze, Adolphe Landry, alors ministre de la Marine, reconstitua l'Académie de
Marine, d'abord sous la forme d'une simple association privée ne comprenant que
peu de membres, mais des membres éminents. En 1926, l'Académie Maritime devint institution d'Etat. Après 133 ans, elle retrouvait un statut officiel. Henri Cangardel fût de droit compris parmi les nouveaux académiciens. Il l'est demeuré 45 ans. Tout au long d'une aussi longue carrière, il est resté profondément attaché à l'Académie. Malgré ses absorbantes occupations, il assistait aux séances, se joignait aux discussions, participait aux élections. Il prenait la parole fréquemment. Avant la dernière guerre, il entretint à plusieurs reprises ses confrères de la construction, des essais, de l'entrée en service, de l'exploitation du paquebot «Normandie» auquel il avait voué son enthousiasme. Après la guerre, il traita devant l'Académie, du Marché Commun, de l'essor des minéraliers, de la politique portuaire de la France. On l'écoutait avec une extrême attention ; sans rechercher le moindre effet facile, il savait être persuasif, convaincant ; sa modération naturelle, sa large intelligence de l'ensemble des problèmes maritimes lui permettaient de défendre ses thèses avec lucidité et bon sens. Une académie n'est pas seulement une institution studieuse ; c'est aussi en quelque sorte « un club » où chaque membre aime rencontrer des confrères et des amis ; des contacts s'établissent, des résolutions sont prises, des projets ébauchés ; dans une telle ambiance cordiale, détendue, Henri Cangardel était particulièrement entouré ; on sollicitait ses avis, ses conseils ; je conserve le souvenir de conversations où brillaient dans tout leur éclat ses immenses connaissances des choses de la mer, son dévouement à la grande famille maritime, son désir de toujours mieux faire, pour tout dire : son dynamisme, sa foi. Il présida l'Académie d'octobre 1937 à octobre 1938. Cette présidence fût particulièrement brillante. Il emmena notamment ses confrères au Havre et leur fit visiter « Normandie » de « la quille à la pomme du mât ». Il reçut plusieurs délégations étrangères qu'il traita avec une exquise et cordiale urbanité. Il me souvient à ce sujet d'une anecdote qui l'avait beaucoup frappé et que nous avons évoquée bien souvent. L'Académie avait, cette année-là, invité deux amiraux anglais, Sir Howard Kelly qui, commandant le croiseur HMS « Gloucester », avait connu la notoriété lors de la poursuite du « Goeben » et du « Breslau » au mois d'août 1914, et l'amiral Sir Herbert Richmond, le « maître à penser » de la Marine anglaise. Henri Cangardel leur fit visiter l'exposition et tout particulièrement le stand de la Compagnie Générale Transatlantique. Ce stand comprenait une reproduction en vraie grandeur de la passerelle de « Normandie » à l'une des extrémités de celle-ci, avait été installé un appareil mystérieux appelé « détecteur d'obstacles » ou « détecteur d'icebergs ». Cet appareil braqua l'attention de l'amiral Sir Herbert Richmond. Il voulut en connaître tous les détails. Les minutes passaient, de plus en plus interminables. L'amiral Lacaze qui n'était guère patient, piaffait ; et cela durait toujours. Un déjeuner avait été organisé au Ritz. Nous arrivâmes et rejoignîmes nos convives avec une bonne heure de retard. Nous comprîmes plus tard la raison de la curiosité de l'amiral Sir Herbert Richmond : plus averti que nous l'étions nous-mêmes de la radiodétection ,il s'était trouvé en présence de l'ébauche de l'un des premiers radars français. Marc BENOIST, Secrétaire de l'Académie de Marine. Source B-60, avril 1971.
|
© UIM.marine - Site mis à jour le 02/07/2012 retour index plan du site Si vous possédez des informations ou des cartes postales ou photographies inédites concernant ce navire ou ce dossier et que vous acceptiez de les partager en les publiant sur ce site, merci de prendre contact. uim.marine[at]free.fr Venez partager vos connaissances sur cette compagnie ou vos souvenirs de navigants sur le forum UIM.
|