Henri Cangardel

 

 

Henri CANGARDEL

Le "patron" de la rue de Naples

 

Je me souviens de mon premier contact avec Henri Cangardel en 1925 lorsqu'il m'engagea en qualité d'ingénieur aux « Armateurs Français », après m'avoir exposé ce qu'il attendait de mes services, ne me cachant pas que si mes connaissances, d'ailleurs bien modestes à l'époque, avaient une certaine importance, le travail et le dévouement étaient indispensables ; il me dit également que le rôle d'un ingénieur d'une compagnie de tramping était de s'adapter au matériel, de bien connaître le personnel, et dans ce but, me fit embarquer pendant plusieurs mois sur les navires des Armateurs Français.

Toute cette flotte était hétérogène, constituée de navires dont les autres armateurs n'avaient pas voulu ; cependant c'est avec cette flotte, ayant recruté des officiers jeunes qui étaient pleins d'allant, et s'étant entouré de cadres auxquels il avait communiqué son dynamisme (Commandant Henry, MM. Bondu, Peineau, Quibeuf, etc...) qu'il se révéla, dès cette époque, un armateur de grande classe.

Les difficultés étaient considérables, aussi bien sur le plan commercial que sur le plan technique ; « Les Armateurs Français » exercèrent leur activité pendant près de 15 ans ; la liquidation de la flotte se fit dans d'excellentes conditions.

En 1925, M. Cangardel avait créé l'Union Industrielle et Maritime ; cette Société, grâce aux capitaux privés qu'il avait su réunir, prit peu à peu la relève des Armateurs Français, avec des navires de seconde main, mais soigneusement sélectionnés.

Au cours de cette période, où j'étais adjoint au Commandant Henry, combien ai-je apprécié, et pour vrai dire admiré l'autorité toujours empreinte de bienveillance de M. Cangardel avec ses collaborateurs, sa grande intelligence ; toutes ses décisions étaient prises après avoir été soigneusement pesées ; il ne manquait pas, lors d'orientations nouvelles, d'exposer le cheminement de ses idées, le but qu'il voulait atteindre, entraînant ainsi non seulement l'adhésion de ses collaborateurs, mais leur communiquant la foi qu'il avait dans l'avenir. Lorsque les négociations avec les Pouvoirs publics ou les affréteurs le lui permettaient, il se rendait à bord des navires, s'entretenait avec les officiers de leurs conditions de vie à bord, de leurs préoccupations, leur donnant ses directives et leur exprimant la confiance qu'il avait en eux.

Ce fût évidemment avec appréhension que nous vîmes M. Cangardel quitter son bureau de la rue de Naples pour prendre, en 1931, la direction générale de la Compagnie Générale Transatlantique ; mais nous savions tous qu'il continuait à nous faire bénéficier de ses conseils ; il avait créé un climat de solidarité, de travail, de dévouement qui ne pouvait s'effacer.

L'U.I.M. poursuivit ainsi sa tâche, suivant les directives de M. Fougère, à qui M. Cangardel avait transmis ses pouvoirs.

En 1938 fût lancé le « Capitaine-Saint-Martin », portant le nom de l'un de ses premiers collaborateurs ; c'était le premier navire neuf à faire partie de la flotte U.I.M. ; Mme Cangardel en fût la marraine, et c'est avec émotion que j'évoque également son souvenir et sa charmante simplicité.

Puis ce fût la guerre, et je voudrais rappeler le rôle trop méconnu qu'il a fait jouer à l'U.I.M. en 1939 ; en effet, à la suite d'un accord de caractère très secret que M. Cangardel avait passé personnellement avec la Marine Nationale, il fût possible d'importer de pays neutres (Belgique, Hollande), par le truchement de la Compagnie Générale Transatlantique, de la Compagnie Générale d'Armement et de l'U.I.M., des petits navires tels que chalutiers en bois ou remorqueurs, susceptibles d'être transformés respectivement en détecteurs de mines magnétiques et dragueurs. J'étais alors attaché à la direction centrale des Constructions navales, et j'eus à prendre part à la réalisation de cet accord.

Durant toute l'occupation, M. Cangardel, malgré la lourde tâche qui lui incombait à la Compagnie Générale Transatlantique, se tint au courant des difficultés que rencontrait l'U.I.M., et nous prodigua des conseils ; c'est ainsi que, préoccupé du sort des familles des officiers et marins navigant sous contrôle allié, il nous recommanda de leur apporter une aide à la fois morale et financière, manifestant ainsi son souci constant d'atténuer dans la mesure du possible la peine des autres.

De toute sa personne émanait une grande bonté, et aucun problème humain ne le laissait insensible ; il s'associât de tout son cœur aussi bien aux joies qu'aux souffrances de tous les membres de son personnel, tant navigant que sédentaire.

Tout en assurant la marche quotidienne de l'U.I.M. avec les navires dont elle disposait, M. Cangardel avait toujours son esprit tendu vers l'avenir et l'expansion ; ses décisions étaient prises après mûres réflexions ; il recherchait, tout en restant dans le cadre de ses activités, des solutions nouvelles, que ce soit l'implantation en Méditerranée sur le trafic des diverses, ou l'augmentation du tonnage des navires pondéreux.

Mettant en chantier le « Jean-Schneider », il fût un précurseur, comme il l'avait été à la Compagnie Générale Transatlantique en créant une flotte bananière française ; comme il le fût également en développant l'Union des Remorqueurs de l'Océan par son extension sur le littoral français et sur les côtes africaines.

Dans les années qui suivirent la mise en service du « Jean-Schneider », la flotte ancienne s'amenuisa peu à peu ; d'autres navires, répondant aux nouvelles orientations des trafics, furent construits. L'U.I.M. prit sa place sur les grands lacs canadiens. Le cabotage disparaissait, mais le long-cours de tramping, les lignes régulières Portugal et Maroc, se développèrent. Toujours l'esprit en éveil, notre Président nous ouvrait de nouveaux horizons, et c'est avec joie et confiance que chacun lui apportait son travail et son dévouement.

M. Cangardel, que nous appelions familièrement mais affectueusement « le Patron », réunissait en lui des qualités qu'on rencontre assez rarement, son autorité, son travail incessant, son imagination débordante tout en étant fertile, sa ténacité dans l'effort, et le tout complété par une générosité de cœur qui le faisait aimer de tous ceux qui l'approchaient ; il laisse à ses amis, à ses collaborateurs, à son personnel, le souvenir d'un homme exceptionnel.

 

Charles POURCHER,

Directeur Général Honoraire de l'U.I.M.

Source B-60, avril 1971.

 

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