Henri Cangardel

 

 

Henri CANGARDEL

Et les Prisonniers de Guerre

 

Je désire que mon témoignage modeste, rappelle certains aspects de celui que nous avons perdu et permette de projeter sur lui un peu de cette lumière et de cette force qui émanaient de tout son être et trouvaient un profond écho dans le cœur de tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître tout au long de sa vie et de bénéficier de son amitié.

L'attention qu'Henri Cangardel avait portée aux prisonniers de guerre a été évoquée lors de ses obsèques au Père Lachaise, par le Président Lanier, sans doute parce que lui-même en avait senti tout le prix, et les souvenirs de ce passé déjà lointain, inconnu maintenant de beaucoup remontèrent à ma mémoire.

Cette sollicitude particulière du Président, ne fut sans doute qu'une des facettes de la générosité de son caractère, mais elle semble bien illustrer ce tempérament qui le portait à ne pouvoir être informé d'une détresse, sans chercher immédiatement à mettre en œuvre tous les moyens possibles pour y porter remède.

Je le revois, dès qu'on lui soumettait une situation morale ou matérielle difficile, sortir son carnet de sa poche et je l'entends dire : « Que puis-je faire ? » Aussitôt il proposait, ouvrait l'éventail de ses possibilités. Sa réponse était toujours positive, rapide comme lui-même, et si chargé qu'il fût de travail, jamais il n'oubliait la démarche personnelle promise, le soutien matériel et moral envisagé, qu'il dispensait ensuite autant qu'il le fallait, avec cette discrétion, cette chaleur, ce don personnel de lui-même qui est le propre des êtres généreux.

Généreux de toutes manières, il le fut avec les victimes de la guerre, de celle de 1914 déjà, où il sut dans tant de circonstances prendre, durant des années, le relais des responsabilités et des charges des chefs de famille disparus.

Puis vint 1940 avec les misères de l'exode, des bombardements, des prisonniers. Sa pensée s'ingéniait à atténuer ces malheurs faute de pouvoir les supprimer. Il y apportait les ressources de son intelligence, de son cœur et de ses possibilités matérielles. Il ressentait particulièrement ce que représentait l'épreuve de la captivité et il ne négligeait aucune intervention pour essayer de l'abréger. La libération d'un prisonnier lui était une joie personnelle ; elle irradiait de son accueil, des attentions délicates qu'il prodiguait à cette occasion et de ses interventions pour faciliter une réinsertion dans la vie.

Sa sollicitude pour ceux qui étaient demeurés dans les camps et pour leurs familles revêtait de nombreuses formes ; il aurait voulu que tous le sentent proche d'eux, de leurs soucis, autant que de leurs espoirs et des correspondances, des échanges personnels ajoutaient le côté sensible et humain à l'aide matérielle largement dispensée.

Vivement préoccupé par les bombardements du Havre et les menaces qu'ils faisaient peser sur les familles de la Transat, il chercha aussitôt la possibilité de soustraire les enfants à ces dangers. Avec sa rapidité habituelle il procéda à l'achat et à l'aménagement d'une propriété en Touraine, dans laquelle les enfants furent accueillis dans des conditions matérielles et morales qui donnaient toute quiétude à leurs parents.

Dépassant le cadre des prisonniers de guerre appartenant à l'Armement, à la Compagnie Générale Transatlantique qu'il présidait alors, il accepta de participer et d'animer une très large action en faveur des prisonniers de guerre d'Outre-Mer, dont le sort lui apparaissait si digne d'intérêt en raison de l'éloignement de leur pays, de leurs familles et de leur très grand dénuement ; il tenait à ce que ces hommes ne se sentent pas abandonnés par la France pour laquelle ils avaient combattu.

Le travail accompli sous son égide fut considérable ; il contribua largement à l'amélioration du sort matériel et moral de ces captifs en parvenant à faire établir des liaisons avec leur pays d'origine, permettant des échanges de nouvelles familiales, en obtenant des adoucissements aux conditions matérielles très dures de leur captivité.

Sous son patronage, toute une organisation de distribution de colis individuels et de ravitaillement collectif dans les commandos put être mise en place. Chaque jour, il consacrait un moment à l'examen des problèmes et des informations qui lui étaient soumis ; il orientait et animait avec son dynamisme et sa clairvoyance, une action qu'il voulait sans cesse parfaire.

Etendant sa sollicitude aux familles misérables de ces prisonniers, il organisa en pleine guerre, à Paris, deux ventes de charité dont le succès fut considérable. Pour l'approvisionnement des comptoirs en denrées de toutes sortes, il avait réalisé de véritables prodiges et il faut avoir vécu cette époque de disette pour mesurer ce qu'il avait dû donner de lui-même, galvaniser de bonnes volontés, pour rendre possible un tel résultat.

Au lendemain du terrible bombardement de Boulogne-Billancourt, ce fut encore lui qui, par un coup de cette baguette magique dont il semblait disposer, fit distribuer à toutes les familles sinistrées une manne de dattes, de figues, d'oranges, de couscous, de riz.

Ce qu'il fut dans toutes ces circonstances difficiles n'est qu'un simple aspect de ce qu'il fut tout au long de sa vie : générosité, bonté, disponibilité, efficacité, tout cela se lisait dans ce regard lumineux et droit que nous ne verrons plus et qui restera pourtant inoubliable.

 

Mme Jean BERTHELOT,

Assistante sociale.

Source B-60, avril 1971.

 

Remonter ] Monsieur Henri Cangardel - le Quercynois ] Monsieur Henri Cangardel - l' Administrateur ] Monsieur Henri Cangardel - mission Tardieu ] Monsieur Henri Cangardel - l' Armateur ] Monsieur Henri Cangardel - le Patron ] Monsieur Henri Cangardel - l'Académicien ] Monsieur Henri Cangardel - le remorquage africain ] Monsieur Henri Cangardel - souvenirs Cdt Thoreux ] Monsieur Henri Cangardel - souvenirs Cdt P. Griffe ] [ Monsieur Henri Cangardel - et les prisonniers de guerre ] Monsieur Henri Cangardel - et le remorquage africain ] Monsieur Henri Cangardel - rencontre Dr Vernes ]

© UIM.marine - Site mis à jour le 02/07/2012   retour index  plan du site 

Si vous possédez des informations ou des cartes postales ou photographies inédites concernant ce navire ou ce dossier

et que vous acceptiez  de les partager en les publiant sur ce site, merci de prendre contact. uim.marine[at]free.fr

Venez partager vos connaissances sur cette compagnie ou vos souvenirs de navigants sur le forum UIM.