Henri Cangardel

 

 

Henri CANGARDEL

Et le Remorquage

 

Avec le président Henri Cangardel disparaît celui qui fût pour moi, pendant cinquante ans, à la fois un patron et un ami.

Les Transports Maritimes de l'Etat, en 1919, m'avaient confié le commandement d'une barge à vapeur de 1 500 tonneaux, le « Fenestrange », construite en bois au Canada qui appartenait à ce que l'on appellera plus tard la flotte Tardieu, Malgré de nombreuses difficultés, je réussis à conduire le navire à Marseille, le capitaine Rio, alors sous-secrétaire d'Etat à la Marine Marchande m'en félicita, et je dois sans doute à ces circonstances que le président Cangardel, que je ne connaissais pas encore, me confie le commandement du « Député-Charles-Nortier ».

C'est quelques mois plus tard, en février 1922, que je le rencontrais pour la première fois dans les bureaux de la rue Vignon. La raison de cette visite était bien simple, les Transports Maritimes allaient disparaître et des armateurs d'Algérie souhaitaient me confier la direction d'une nouvelle société. Ayant demandé conseil au commandant Henry, alors directeur des Transports Maritimes au Havre, sur cette proposition celui-ci m'incita vivement à rencontrer Henri Cangarel. Il me reçut fort aimablement et me dissuada d'accepter la proposition qui m'avait été faite. Aux côtés d'Henri Cangardel se trouvaient déjà divers amis dont Eugène Peineau, Léon Prévost et Auguste Quibeuf qui, par la suite, apportèrent une importante contribution à la création et au développement des activités de remorquage.

A la suite de cette visite, Henri Cangardel me confia le commandement de deux autres navires, le « Député-Josselin-de-Rohan »et le « Capitaine-Bonelli » pour enfin me désigner pour faire partie de la Commission des Marie-Louise, type de navire qui donnait alors beaucoup d'inquiétude au point de vue stabilité.

C'est à cette époque que se situent les premiers efforts du Président pour organiser le remorquage sur la côte Atlantique dans le cadre d'une convention passée entre l'Union Française Maritime (U.F.M.) et le sous-secrétaire d'Etat à la Marine Marchande. L'U.F.M. disposait pour assurer ces missions de trois remorqueurs de 1 000 CV construits pendant la guerre, l'« Orage », le « Puissant » et l'« Auroch » auxquels pouvaient se joindre deux bâtiments identiques le « Vent », loué au pilotage de la Gironde et le « Tourbillon » armé par la Société Nouvelle d'Armement de Nantes. Ce dernier basé à Belle-Ile était commandé par le capitaine Mainguy, ancien capitaine de voilier cap-hornier.

Le Président me demanda alors d'aller dans l'Ile de Ré participer au sauvetage de l'« Algama » échoué près de la Pointe des Baleines. L'opération s'étant heureusement terminée, il me désigna pour aller à Saint-Nazaire, ce qui me permit de revoir le commandant Louis Lacroix qui partait pour Nantes. En effet, l'U.F.M. avait la garde de nombreux navires désarmés à Saint-Nazaire et à Nantes, notamment dans le canal de la Martinière. Le président fonda avec l'U.F.M. et la Compagnie Les Abeilles une Société en participation, la Société Nazairienne de Remorquage et de Sauvetage, dont il me confia la direction. Cette Société disposait de trois remorqueurs : l'« Abeille-VII », l'« Atlas » et le «Pélican», ces deux derniers venant respectivement de la flotte d'Etat et de la C.G.T. Cette société assura le remorquage du port et côtier ainsi que quelques assistances. Au bout de huit mois, la flotte se renforça par l'achat, en juillet 1925, à la Compagnie Dunkerquoise de Remorquage de ses deux remorqueurs « Nord » et « Commerce ».

Cette Société assura jusqu'à la guerre le remorquage portuaire à Saint-Nazaire, elle effectua divers remorquages côtiers, assistances et renflouements parmi lesquels on peut citer celui du paquebot « Lutetia » dans le bassin de Saint-Nazaire en 1926, opération à laquelle participa un jeune ingénieur, M. Charles Fourcher, futur directeur général de l'U.I.M.

L'année précédente, l'U.F.M. avait reçu le remorqueur brise-glace russe « Tchernomore » appartenant à la flotte Wrangel, qui fut remorqué de Bizerte à Saint-Nazaire où il fut remis en état après avoir été rebaptisé « Iroise ». L'U.F.M. disposait ainsi d'un bâtiment qui, avec son déplacement de 1 100 tonnes et sa puissance de 1 550 CV, représentait pour l'époque une unité de sauvetage puissante qui complétait heureusement les 1 000 CV cités précédemment. Après les deux assistances sous mon commandement du « Malte » et du « Valtellina », le Président décida de baser I' « Iroise » à Brest et d'en confier le commandement à notre cher ami, le Commandant Louis Malbert, ancien capitaine cap-hornier, comme le Capitaine Mainguy du « Tourbillon ». Pendant près de dix ans, I' « Iroise », le plus souvent en liaison avec les autres remorqueurs de 1 000 CV, allait avoir une carrière jalonnée d'assistances dont le souvenir est encore présent à toutes les mémoires : au total une quarantaine de navires (« Dahomey », « Thysville », « Atlantique », etc.) ramenés au port et plusieurs centaines de vies humaines sauvées !

Je ne parle que pour mémoire du développement ultérieur des affaires de remorquage mené à bien par le Président Can-gardel : 1928, prise de contrôle à Bordeaux de l'E.G.T.M. (Entreprise Générale de Travaux Maritimes) qui exploitait également un remorqueur à Brest.

1939, La Compagnie Nazairienne et l'E.G.T.M. fusionnent pour constituer l'U.R.O. (Union des Remorqueurs de l'Océan).

Après la Libération, le travail de reconstruction se poursuivit en même temps qu'était rachetée à la Compagnie Charentaise de Transports Maritimes sa branche de remorquage à La Palliée, complété en 1965 par le rachat à Bordeaux des quatre remorqueurs exploités par les Tuyaux Bleus.

Compte tenu de ce nouvel apport et grâce aux efforts du Président Fondateur, de son fils Maurice et du Commandant Carus, qui m'a succédé il y a dix ans dans mes fonctions à l'U.R.O., la Société a continué de progresser pour représenter actuellement vingt-trois unités opérant en métropole, dont la puissance totale, avec 32 000 CV environ, est égale à trois fois celle de 1950, avec des remorqueurs exploités à Brest, Saint-Nazaire, La Palliée, Bordeaux et Bayonne.

Une telle progression, bien que notable, ne représente qu'une partie de celle des activités « remorquage » du groupe de sociétés qu'animait notre regretté Président, car sous son impulsion plusieurs sociétés opérant sur les côtes d'Afrique se sont successivement créées, et cet aspect de l'activité créatrice d'Henri Cangardel sera évoqué par ailleurs.

J. DOUSSET,

Administrateur de l'Union des Remorqueurs

de l'Océan, Ancien Directeur Général de l'U.R.O.

Source B-60, avril 1971.

 

Remonter ] Monsieur Henri Cangardel - le Quercynois ] Monsieur Henri Cangardel - l' Administrateur ] Monsieur Henri Cangardel - mission Tardieu ] Monsieur Henri Cangardel - l' Armateur ] Monsieur Henri Cangardel - le Patron ] Monsieur Henri Cangardel - l'Académicien ] [ Monsieur Henri Cangardel - le remorquage africain ] Monsieur Henri Cangardel - souvenirs Cdt Thoreux ] Monsieur Henri Cangardel - souvenirs Cdt P. Griffe ] Monsieur Henri Cangardel - et les prisonniers de guerre ] Monsieur Henri Cangardel - et le remorquage africain ] Monsieur Henri Cangardel - rencontre Dr Vernes ]

© UIM.marine - Site mis à jour le 02/07/2012   retour index  plan du site 

Si vous possédez des informations ou des cartes postales ou photographies inédites concernant ce navire ou ce dossier

et que vous acceptiez  de les partager en les publiant sur ce site, merci de prendre contact. uim.marine[at]free.fr

Venez partager vos connaissances sur cette compagnie ou vos souvenirs de navigants sur le forum UIM.